Le Grand Bluff
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le 16 sept. 2019
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S’il y a bien un domaine où Sacha Baron Cohen excelle, c’est faire ressortir le pire des gens qu’il piège lors de ces célèbres faux-documentaires. Et s’il y a bien un exercice que le Britannique apprécie plus que tout, c’est de se foutre de la gueule des Etats-Unis.
C’était déjà le point de départ du cultissime Borat, sorti en 2006, où Baron Cohen campait un touriste kazakh qui partait à la découverte de l’Amérique : c’était surtout un beau prétexte pour méchamment se moquer des USA de Bush, pro-guerre d’Irak, conservatrice et chauvine à en crever. Avec l’élection de Trump, on se demandait quand Sacha Baron Cohen allait passer à l’action. Le drame, avec Trump, c’est que son avènement tient tellement de l’absurdité politique en soit, que les humoristes sont battus par le Président lui-même.
Mais Who is America est la réponse parfaite : puisqu’il faut faire encore plus fou que Donald Trump, allons-y. Dans cette série de séquences de fausses téléréalités produite par Showtime, Baron Cohen multiplie les personnages improbables : un ancien du Mossad présentant une émission sur les armes à feu, un gauchiste « blanc, cisgenre, hétérosexuel et désolé de l’être » persuadé que le pays entier est en deuil car Clinton a été battu, un rédacteur de site « alternatif » biberonné aux fake news…
Ce qui est incroyable avec Sacha Baron Cohen, c’est d’une part sa capacité à n’avoir aucune barrière éthique ou moral pour dire des horreurs, mais c’est surtout que son politiquement incorrect conduit les gens qu’il a en face de lui à faire de même. En se présentant comme quelqu’un dénué de tout sens de la décence, il met les gens à l’aise, pour ainsi dire, et les conduit à agir comme ils sont vraiment. Et c’est là le tour de force de Who is America, au-delà du côté purement parodique des TV-shows bas-du-front dont il reprend allègrement les codes : les piégés disent ce qu’ils pensent. Et ce n’est pas beau à voir.
Ainsi pourra-t-on voir, pêle-mêle : Dick Cheney, ancien secrétaire à la Défense de Bush, répondre très sérieusement à la question : « quelle est la guerre que vous avez préférée déclencher ? » ; un député de la Chambre de Géorgie crier « NEGRO, NEGRO » devant les caméras car on lui a dit que c’était la meilleure façon d’attirer l’attention de tout le monde en cas de kidnapping par des terroristes (sic) ; une greluche de téléréalité tourner un faux spot pour armer les enfants-soldats au Sierra Leone, car le drame de ces enfants, c’est qu’ils se font tuer par manque d’équipement (re-sic) ; ou encore tout le Washington pro-arme défendre sérieusement l’autorisation de port d’arme dès l’âge de 3 ans. Tout cela est complètement dingue, car ce ne sont là que les deux premiers épisodes. Et Baron Cohen n’a pas à pousser très loin les séquences de faux tournages pour en arriver là. Cette Amérique-là est déjà insane, l’humoriste n’est là que pour faire craqueler la fine couche de vernis.
Who is America a le potentiel pour briser des dizaines de carrières, et on voit difficilement comment elle va esquiver la case procès. Mais son caractère hautement subversif la rend indispensable pour quiconque peut survivre à l’humour ultra-trash de Cohen.
Qui est l’Amérique, alors ? Un bordel, assurément. Et pas des plus joyeux.
Créée
le 25 juil. 2018
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