Un œil distrait aurait tort de prendre la dernière oeuvre de SBC pour une bouffonnerie à la Patrick Sébastien version politico-trash. Certes le créateur de Borat et de Bruno ne renie pas son goût pour la provocation scatologique et les personnages "problématiques", mais c'est avant tout pour s'aventurer dans des contrées humoristiques quasi vierges.


Tolérance zéro


Les contenus subversifs se font rares à la télévision américaine à l'exception de South Park, et Who is America ? fait figure de seconde exception, voire de petit miracle. Car le comique britannique se montre sans la moindre pitié envers la bêtise contemporaine peu importe où elle se niche.


Au premier abord, cette série d'entretiens semble avoir pour seul but de débiner la présidence de Donald Trump. Si sa politique a certes une place de choix dans chaque épisode, Baron Cohen ne se contente pas de rire des dérives sécuritaires des Républicains et des limites intellectuelles de leur leader. Il fait le job et va tailler tout ceux qui apportent leur pierre à l'édifice de la connerie moderne, celle qui pollue médias et réseaux sociaux. De droite comme de gauche. Chez les pauvres, comme chez les riches. Tolérance zéro à la connerie.


Avec la séquence "La Vita diamante de Gio", il incarne un jet-setteur italien décadent pour qui l'argent est un joker permanent, lui octroyant par exemple le droit de demander à un vendeur de yachts tout un arsenal pour griller les migrants qui s'approcheraient de trop près de son navire en Méditerranée. Son assurance et la qualité de son jeu lui permettant d'obtenir absolument tout sans que jamais l'interlocuteur ne se pose de question sur l'incongruité des requêtes. Il se paye également les culturo-mondains avec le personnage de Rick Sherman, un ex-taulard britannique qui se découvre une passion pour l'art contemporain et la gastronomie. Et c'est tout le snobisme et la fatuité des galeristes et des critiques qui est exposée quand il présente ses "œuvres"accueillies avec une extrême bienveillance.


Avec le personnage du Dr Nira Cain-N'Degeocello, il donne vit à un insupportable SJW qui s'est donné pour mission de guérir la fracture entre les individus, et dont l'excès d'humanisme confine à la bêtise absolue. Billy Wayne Ruddick Jr, est quant à lui un activiste d'extrême droite white trash adepte de la théorie du complot, il mange le cerveau de Bernie Sanders sur la question des 1%, ou doute de la féminité d'Hillary Clinton à l'aide de photomontages scandaleux.


Le déclin de l'Empire américain


La meilleure création de Who is america ? et peut-être même de toute l'oeuvre de Sacha Baron Cohen, est l'instructeur israélien, Erran Morad, terrifiant expert antiterroriste qui parvient à placer dans une telle confiance ses interlocuteurs qu'il leur fait faire absolument n'importe quoi. Les sujets (cadres politiques importants ou bêtes de foires rednecks) n'hésitent pas à confier leurs pires pensées à ce débonnaire israélien au fascisme décomplexé (avec des conséquences inattendues pour eux).


On pourra reprocher un montage diabolique, et des méthodes par forcément très fair-play pour obtenir de la matière comique, mais il n'en demeure pas moins vrai que les personnages qui se font piéger trimbalent une telle couche de connerie et de vilenie qu'il est jouissif de les voir placés dans des postures grotesques, ou confrontés aux conséquences directes de leur bêtise. Est-ce que la faim justifie les moyens en comédie ? La réponse est clairement oui pour Baron Cohen. Et il ne recule devant rien pour obtenir sa matière première.


Il est cependant très difficile de sortir des visionnages sans une légère déprime, tant l'intolérance, le manque de recul et d'humour semble s'être généralisés dans toutes les strates de la société. Et si la série s'appelle Who is america ?, les propos consternants entendus durant les 6 épisodes de cette unique saison ne sont malheureusement pas l'exclusif propriété de la société américaine. Le titre de la série aurait tout aussi bien pu être "Who is occident ?".

Negreanu
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le 16 sept. 2019

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