Quand la satire politique fait plus mal qu’une gifle en Prime Time

Who Is America?, diffusée sur Showtime en 2018, c’est la série où Sacha Baron Cohen, maître du déguisement et du malaise orchestré, décide de plonger dans les abysses de la société américaine pour en sortir les perles les plus folles (ou les plus inquiétantes). Imaginez un croisement entre un documentaire, une émission de caméra cachée et une satire si pointue qu’elle pourrait percer un gilet pare-balles. Baron Cohen incarne une galerie de personnages aussi absurdes qu'inventifs, chacun conçu pour appuyer sur les nerfs sensibles et révéler ce qui se cache vraiment derrière les sourires politiques et les postures de façade.


Parmi les personnages marquants, on retrouve Erran Morad, l’ancien agent israélien fictif dont la solution à chaque problème est un cocktail explosif d’armes et de provocation militaire, ou encore Billy Wayne Ruddick Jr., un conspirationniste à la crédibilité aussi solide qu’un château de cartes par temps de vent. Chacune de ces identités est si farfelue qu’elle pousse les invités à baisser leur garde et à révéler des pensées qu’ils auraient probablement préféré garder pour leurs journaux intimes (ou mieux, ne jamais penser du tout).


La force de Who Is America? réside dans l’habileté de Baron Cohen à faire rire tout en créant un profond sentiment de malaise. La série oscille entre la comédie pure et le documentaire sur l’état de l’humanité, mais avec cette touche de surréalisme où l’on se demande à chaque instant : "C’est scripté ou ils sont vraiment sérieux ?" Spoiler : souvent, c’est très sérieux, et c’est ce qui fait froid dans le dos.


Visuellement, la série est montée comme un train à grande vitesse sans freins. Les segments passent d’un personnage à un autre, chacun apportant son lot de révélations ridicules et de moments où l’on se cache derrière un coussin. La réalisation est volontairement crue, avec des caméras qui semblent prêtes à capturer la moindre goutte de sueur froide sur le front des invités. L’esthétique rappelle les reportages à sensation, mais avec un twist comique et une touche d’ironie acérée.


Les interviews et les sketchs révèlent non seulement des vérités dérangeantes sur les opinions et les biais cachés des politiciens, célébrités et citoyens lambda, mais ils exposent aussi les limites de ce que les gens sont prêts à dire et à faire face à une caméra quand un personnage excentrique le leur demande. Voir des figures publiques accepter des propositions insensées avec un sourire poli est à la fois hilarant et angoissant. On rit souvent, oui, mais c’est un rire crispé, suivi d’un "Mais pourquoi ils font ça ?!".


Who Is America? ne se contente pas de pointer du doigt les individus, elle dresse un tableau plus large d’une Amérique divisée, où les croyances et les attitudes sont poussées à l’extrême. La série ne fait pas de prisonniers et passe allègrement d’une idéologie à une autre, éclatant au passage les bulles de confort idéologique de tout le monde. Les sketchs sont audacieux, voire trop audacieux pour certains, flirtant souvent avec la ligne rouge du politiquement incorrect, mais c’est justement là que réside toute la magie (ou la folie ?) de Sacha Baron Cohen.


Cela dit, la série peut parfois sembler inégale. Tous les segments ne frappent pas avec la même intensité, et certaines blagues ou mises en scène peuvent paraître exagérées ou moins efficaces. Mais même dans ses moments les plus faibles, Who Is America? conserve cette capacité à nous faire réfléchir, ou du moins à nous faire cligner des yeux en nous demandant si on vient vraiment de voir ce qu’on croit avoir vu.


En résumé, Who Is America? est une virée sauvage dans les méandres de la société américaine contemporaine, avec Sacha Baron Cohen en chef d’orchestre chaotique. C’est la série qui transforme le rire en un cri silencieux de "Mais jusqu’où peut-on aller ?", tout en posant cette question simple mais terrifiante : "Et si tout cela n’était pas une blague ?" Si vous avez le goût du comique incisif et du malaise bien dosé, vous trouverez dans Who Is America? un miroir brisé mais fascinant de la réalité.

CinephageAiguise
8

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleures séries de 2018

Créée

le 8 nov. 2024

Critique lue 5 fois

Critique lue 5 fois

D'autres avis sur Who Is America?

Who Is America?
Negreanu
8

Le Grand Bluff

Un œil distrait aurait tort de prendre la dernière oeuvre de SBC pour une bouffonnerie à la Patrick Sébastien version politico-trash. Certes le créateur de Borat et de Bruno ne renie pas son goût...

le 16 sept. 2019

6 j'aime

2

Who Is America?
Heurt
8

Connerie VS Connerie.

Le terrain de jeu de prédilection de Sacha Baron Cohen sont les états unis, il y a déjà officié en tant que Borat puis Bruno, il faut dire que le pays est un vrai vivier à la connerie humaine. Sacha...

le 12 sept. 2018

3 j'aime

Who Is America?
Mathieu_Renard
10

Le show le plus excitant de ces dernières années

Une seule saison. Quelques épisodes. Et pourtant Sacha Baron Cohen est extraordinaire. Aussi terrifiant que repoussant, aussi vrai que nature, aussi authentique que pathétique, Who is America ? pose...

le 22 juin 2020

1 j'aime

3

Du même critique

La Serpe d'or - Astérix, tome 2
CinephageAiguise
7

Quand Astérix et Obélix découvrent Lutèce

Avec La Serpe d’or (1962), René Goscinny et Albert Uderzo emmènent Astérix et Obélix dans leur première grande aventure hors du village, direction Lutèce. L’occasion de découvrir que les Gaulois ne...

le 20 déc. 2024

4 j'aime

Le Suicide français
CinephageAiguise
4

Autopsie d’un pays… ou d’un monologue nostalgique ?

Si tu pensais que le déclin de la France pouvait être analysé avec nuance et recul, Le Suicide français d’Éric Zemmour est là pour te rappeler qu’on peut aussi le faire avec une grosse louche de...

il y a 2 jours

3 j'aime

10