La franchise d’Uchuu Senkan Yamato fait partie de ces vieux mastodontes dont les fans d’animes entendent forcément parler un jour ou l’autre lors d’une discussion sur les grands classiques. Leur âge vénérable et leur influence sur les plus vieilles générations confèrent à ces anciennes séries une légitimité qui perdure parmi un public de plus en plus grand et de moins en moins familier avec ces oeuvres.


Les fans de l’univers Yamato n’ont jamais cessé d’être actifs malgré sa date de 1974. Vu toutes les suites qui ont vu le jour (trois séries principales, une série remake, sept films ainsi que plusieurs mangas), il y a en effet de quoi garder le dynamisme communautaire vivace.


Du côté nippon et anglophone en tout cas, car au niveau francophone, Yamato n’est jamais sorti des oubliettes, ce qui s’explique très simplement car la franchise n’a pas su se faufiler sur nos chaînes ou nos écrans de cinéma, à part le film live-action de 2010 qui est la seule exception. Les connaisseurs reconnaîtront pourtant facilement son créateur, Leiji Matsumoto, apprécié chez nous pour son Albator notamment ou Galaxy Express 999.


Uchuu Senkan Yamato a une aura similaire et est également une oeuvre de science-fiction. Dans cette série, la Terre est attaquée à la fin du 22e siècle par une civilisation extra-terrestre, les Gamiliens, et sont sous la menace constante de leurs météorites radioactives. L’atmosphère est devenue tellement invivable que même les cités souterraines sont désormais en danger. Un an avant l’extinction de l’humanité, une autre race, les Iscandariens, propose aux forces terriennes un moyen de sauver leur planète à condition que ceux-ci viennent récupérer leur salut sur Iscandar, à 148.000 années lumière de la Terre. Alors que chaque nouvelle aube annonce avec plus de clarté le glas des Hommes, le courageux capitaine Okita rassemble son équipage à bord d’un vaisseau, le Yamato, et se prépare à fendre les étoiles pour une mission impossible.


Uchuu Senkan Yamato est connu pour être l’un des projets, au côté de Gundam par exemple, à avoir fortement contribué à la mutation des « dessins animés » nippons vers une catégorie d’« animes » moins enfantins et aux succès populaires, même s’il faut noter que c’est surtout la rediffusion au cinéma d’une version abrégée et non la série elle-même, qui aura valu à Yamato tout son succès.


Force est de constater qu’à notre époque, le vieux Yamato de 1974 ne paie pas de mine. Bien entendu, les graphismes et la technique sont complètement dépassés même si l’on appréciera certains chara-design de Matsumoto. Les scènes d’action, assez nombreuses, en pâtissent fortement et s’avèrent bien souvent pénibles à regarder.


Le héros principal, Kodai est tout aussi ennuyant dans son rôle de tête-brûlée du navire : puéril, inconscient, dangereux même, il est au début de la série sujet à de nombreuses leçons de morale de la part du capitaine Okita, figure de mentor qui guide un équipage fort jeune. Certains personnages secondaires, comme Analyzer, un troll pervers rigolo, et Sanada, notre mécanique ami, offrent de très bons moments tandis que l’on froncera les sourcils devant Yuki Mori, la (quasi) seule membre de l’équipage, qui se trouve chargée de la cuisine, du repassage, et du rôle d’infirmière en plus d’être évidemment la cible désignée pour une romance avec Kodai.


Le périple du Yamato est long de 26 épisodes, durant lesquelles le vaisseau doit endurer de nombreuses épreuves, qui ne se limitent pas aux attaques des Gamiliens et ne sont pas sans rappeler l’Odyssée : monstre de l’espace, tourbillon cosmique, peuples aliens bizarres... L’histoire centrale autour de la confrontation entre le Yamato et les Gamiliens donne lieu à une fin de série déjà plus intéressante et offre de bons twists lors des derniers épisodes.


On pourra louer Uchuu Senkan Yamato pour son atmosphère de science-fiction réussie, même si peu réaliste face aux standards actuels, et son sens du drame, dans la version originale en tout cas, qui peut parfois être brutal. Les thèmes musicaux sont très bons et font à eux seuls la moitié du charme de la série. On appréciera également de retrouver les voix japonaises de Tomiyama Kei pour Kodai (Yang Wenli de LOGH) ou de Goro Naya pour Okita (maître Yupa dans Nausicaä, Zenigata des anciens Lupin III).


Mais dans l’ensemble, la série Yamato reste très difficile, si pas impossible, à apprécier, le manque de nostalgie n’aidant pas. Je ne vois que quelques raisons mineures de vouloir encore la regarder. Premièrement, pour apprécier tout le travail du remake de 2012-2013, un lourd effort pour pas grand chose cependant. Deuxièmement, pour le plaisir d’avoir vu une série emblématique, autrement dit pour alimenter son capital culturel...


Personnellement, j’ai beaucoup apprécié l’aspect historique qui entoure Uchuu Senkan Yamato premier du nom. Evidemment, le Yamato en lui-même renvoie directement au cuirassé de la Seconde Guerre mondiale, dont l’épave est directement utilisée pour la construction du vaisseau spatial (aux dépends de toute vraisemblance). La symbolique du conflit est tellement présente que l’aventure du Yamato peut-être vue dans son ensemble comme une grande allégorie, l’Histoire revisité : la destruction de la flotte terrienne, les bombardements impitoyables qui s’en suivent, l’utilisation d’une arme de destruction massive par le Yamato, qui se trouve ici porteur des espoirs de l’humanité à travers une mission vue comme suicidaire.


L’Empire de Gamilas quant à lui n’est pas sans rappeler l’Allemagne nazie, à commencer par les noms tout droit pompés des grandes figures du Troisième Reich (Dommel = Rommel pour citer un exemple). Dessler en tant que leader impitoyable de son peuple n’est pas plus subtil et les designs employés pour leurs mechas sont tout aussi inspirés.


Certains n’hésiteront pas à pointer les élans militaristes qui peuvent être perçus dans la série, et soulignerons qu’elle a été planifiée et produite dans les années 70, à une époque de sursaut nationaliste. Encore aujourd’hui, rappelons que le premier film du remake d’Uchuu Senkan Yamato est sorti le jour du 67e anniversaire de la bataille d’Okinawa, qui a vu la chute du cuirassé Yamato, dernier éclat de noblesse d’une cause perdue, grande et honteuse. Il est clair que le mot « Yamato » résonne avec beaucoup plus de poids au Japon que dans nos régions, il est le symbole d’une vision du passé ambigüe et difficile à appréhender.


A ce point de vue là, il est amusant de comparer la version originale avec la version américaine, Star Blazers. Uchuu Senkan Yamato s’est très bien exporté aux Etats-Unis mais a subi de lourds changements pendant la transition. En effet la version japonaise a été jugée trop violente et trop influencée par la Seconde Guerre mondiale pour être diffusée tel quel auprès d’un public jeune. Résultat : censure très présente, scènes supprimées (dont un flashback sur la chute historique du Yamato), sake changé en eau minérale, un équipage qui ne se limite plus à la nationalité japonaise, et enfin le nom Yamato transformé en Argo, au grand dam des puristes. On leur sera reconnaissant néanmoins de ne pas l’avoir renommé l’« Arizona », et il faut avouer que certains changements sont appréciables (spoiler donc je ne m’étends pas).


Ce premier anime de Leiji Matsumoto a marqué les mémoires pour être le premier anime de science-fiction scénarisé et suscitera la curiosité chez beaucoup de personnes pour ses thèmes attrayants et sa contribution historique envers l’industrie des animes. L’Uchuu Senkan Yamato original est donc très enrichissant sous certains angles en plus de proposer de bonnes idées, même si l'allégorie faussée de la Seconde Guerre mondiale en est une bien plus douteuse. Une première série emblématique mais un anime d'action complètement supplanté par son remake.

Skidda
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le 15 nov. 2013

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