Les meilleures BD de 2012 selon Marius Jouanny

Annotation :

Lepage cerne beaucoup d'aspects qui font la pertinence d'une BD documentaire : il questionne en permanence sa légitimité et la subjectivité de son regard, sait quand s'immerger et quand prendre du recul... Pour explorer et comprendre un endroit aussi unique que Tchernobyl, il fallait bien cela ! Surtout, il fait éclater la beauté du lieu de manière complètement inattendue. La réflexion qu'il y a derrière donne d'ailleurs un sous-texte au récit très appréciable : la beauté et la vie peuvent surgir aux endroits où on les attend le moins.

Annotation :

La trilogie "Toxic" de Charles Burns est une déclinaison passionnante de l'univers organique torturé qui faisait le charme de "Blake Hole". Seulement ici, il le restreint à un seul personnage qui est décliné en trois avatars à l'existence propre. Ces trois temporalités constituent un cas d'écoles de la boucle narrative réussie : les motifs visuels et narratifs se répondent de manière assez subtile pour construire un univers onirique évocateur et déroutant. On pénètre dans une bande dessinée de Charles Burns comme on plonge dans une étendue d'eau, l'immersion nous prend tout entier et nous laisse fasciné. Au point d'être frustré de lire ces trois albums si vite : on aimerait que ça dure aussi longtemps que Black Hole, tant les idées narratives seraient propices à être déclinées. Mais c'est peut-être aussi la force de cette trilogie, dont la narration est dense, ménage les surprises et sait s'arrêter quand il le faut.

Annotation :

Note inchangée : 8. Bonhomme se réapproprie avec grande ingéniosité les codes du récit d'évasion pour cet album, en introduisant un personnage féminin qui a un certain potentiel. La violence se fait enfin plus explicite, tournant ainsi la série vers un lectorat un peu plus âgé et un propos plus affirmé.

Annotation :

Il est heureux que Thomas Gilbert ai pu changer d'éditeur pour publier la dernière partie de sa trilogie dans un intégral, tant elle est la plus aboutie. Sa représentation du New-York poisseux, misérable de l'entre-deux guerre est saisissante. Les tourments d'Oklahoma Boy en sont d'autant plus marquants, rappelant aussi bien la figure de De Niro dans "Taxi Driver" que celle de Robin Williams dans "Fisher King". Il rend l'avénement de la métropole comparable à celle de la tour de Babel, image de la folie mégalomane de l'homme.

Annotation :

La narration de cet album-hommage aux pionniers de l'alpinisme est certainement trop ampoulée par ses descriptions littéraires et sa linéarité balbutiante. Mais par petites touches, l'auteur parvient à donner du sens aux exploits de ses personnages, qui font corps avec la montagne en dépassant ce dont l'homme est physiquement capable. Et développe en creux une relation attachante entre l'aristocrate et son guide aux expressions grandiloquentes.

Annotation :

"Zombies", scénarisée par Olivier Peru, est probablement la meilleur série de BD sur nos chers têtes décomposés de ces dernières années. Et ce préquel, se focalisant sur l'ex-acteur de... films de zombies un peu raté, est jouissif tout comme les autres. Il maîtrise ses références, son écriture détachée mais non dénuée d'émotion de bout en bout. Drôle, corrosif, dramatique et ne lésinant pas non plus sur le spectaculaire, ce tome 0 est une très bonne introduction à la série. Il n'est pas le premier sorti, il n'est pas dessiné par le dessinateur principal de la série (un peu plus talentueux que celui de cet épisode) mais il s'articule comme une histoire en un album à la dramaturgie et aux personnages bien construits.

Annotation :

Certes, ce sixième opus est alourdit par de longs récitatifs et par de nouveaux niveaux de récits qui viennent complexifier l'histoire, mais la réflexion sur la guerre est très pertinente, et le récit se suit bien malgré tout, tant il ne manque pas de rebondissements et se révèle finalement celui qui ajoute une ambivalence salvatrice au personnage principal.

Annotation :

Dorison pose les bases d'un triptyque distopique très crédible, car basé sur des tendances déjà dominante dans notre société : l'égoïsme et l'hégémonie du pouvoir financier. La critique part d'une analyse très fine d'un système social dont la crise économique et politique devient permanente. Les thèmes prennent surtout plus de consistance dans les deux tomes suivants.

Annotation :

Cette première BD de Néjib est très formaliste dans la mesure où on sent bien qu'il a voulu rendre hommage à l'esthétique pop et au bouillonnement culturel de l'époque en racontant les débuts de la carrière de Bowie. Et le fait au détriment d'un intimisme sur lequel il aurait pu s'attarder davantage. Reste qu'il y transmet sa passion pour Bowie et que certaines scènes sont plutôt mémorables.

Annotation :

Cette compilation de gags parus dans "Zoo" vaut pour l'autodérision permanente de son auteur et le témoignage parfois consistant des conditions de vie représentative de la plupart des auteurs de BD français, à savoir un manque de succès commercial qui se traduit par une certaine précarité. Au vu du fait que c'est une compilation, je pense qu'il y a certains gags qu'il n'était pas franchement nécessaire de garder, tant ils sont attendus et peu inventifs. D'autres se démarquent néanmoins positivement.