Il est utile de le dire : il ne sera pas question aujourd’hui du fameux morceau des Beatles, « Daytripper », mais plutôt de la BD Brésilienne du même nom sortie en 2012 et réalisé à quatre mains par Fàbio Moon et Gabriel Bà. Et si les deux œuvres partagent le même nom, et ont toutes deux pour vocation d’inciter les gens à vivre au jour le jour, la comparaison s’arrête là.
Scénario : Bràs est un journaliste de Sao Paulo pour le moins spécial. Chaque jour, il chronique et commémore la mort de bon nombre de brésiliens, sans évidemment que cela le laisse indifférent. Car si écrire sur la mort à longueur de journée lui paraît un exercice très facile, il en ressent un malaise peu commun. Comme si chacune de ces morts, au fond, était la sienne. Surtout que sa vrai vocation à lui, c’est d’être écrivain, et sa seule crainte semble être de mourir sans égaler le succès de son père, dont les romans connaissent une grande popularité. Découpé en dix chapitres, « Daytripper » retrace dix époques de la vie de Bràs, de son enfance au crépuscule de sa vie, dans le désordre le plus complet. Chacun de ces chapitres captent parfaitement ses moments de solitudes, de contemplations, des souvenirs heureux comme douloureux qui l’ont marqué à jamais, et explorent des thèmes aussi variés que l’amour, la fatalité, l’amitié ou le deuil, sans jamais que le récit ne se disperse, ou que le lecteur ne s’y perde. Un sacré jeu de funambule plutôt habile, et sans accroc. Même la narration parfois portée par des encadrés de descriptions s’en sort avec les honneurs, c’est dire.
Dessin : Si on sent l’inspiration de Will Eisner dans la mise en scène et les personnages, on la sent tout autant dans les dessins, avec une ligne claire classique mais expressive. Les regards des personnages sont particulièrement travaillés, et en disent souvent plus long que les dialogues. La mise en couleur, elle, apporte des ambiances très différentes et renforce l’onirisme de certaines scènes. On peut noter çà et là quelques défauts morphologiques, avec par exemple des têtes trop petites et disproportionnées du reste du corps, mais rien de bien choquant.
Pour : La mise en scène de « Daytripper » est tellement forte qu’elle fait passer les passages à vide du personnage pour des moments de pur et douce mélancolie, tandis que ses souvenirs heureux sont sublimés...
Contre : …On en vient du coup à regretter que les passages muets ne soient pas plus nombreux, et bon nombre de dialogues arrivent presque comme un cheveu sur la soupe.
Pour conclure : Encensé par les critiques, Fàbio Moon et Gabriel Bà ont vu leur album récompensé par de nombreux prix, et apparaître dans la sélection Angoulême 2013. Et quand on sait que les deux auteurs sont jumeaux, on comprend mieux pourquoi le récit est si intimiste et sent le vécu.
Ma critique de "Deux frères" :
http://www.senscritique.com/bd/Deux_Freres/critique/49541439