Les meilleurs films de 2021 selon Eustacius Bingley

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Incroyable. Ce n'est pas juste que le film est excellent, c'est qu'il change complètement sa manière d'être excellent toutes les quarante minutes: la qualité des segments anthologiques est une chose, mais leur logique, tant dans le scénario que dans la mise en scène, est à chaque fois différente, renouvelée. Il suffit de voir la façon dont Rasoulof joue avec les environnements (de la ville étriquée aux immensités naturelles des deux dernières sections), avec le rythme (du contemplatif à la scène d'action) ... En 2021, y avait-il un film qui contenait plus de cinéma?

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J'ai écrit une critique dessus!

"Motors était un film qui s’intéressait, d’une manière certes hautement expressionniste, à la structure du cinéma, au processus du jeu (du je ?) de l’acteur ; Annette, en complément, s’intéresse davantage à l’intention, au désir de créer. Annette n’est pas juste une fillette, elle est le cinéma, avec un grand C. Le nom de la personne est le nom du film, et ce n’est pas juste une coquetterie, c’est tout le sujet – elle est d’ailleurs, pendant la grande majorité dudit film, une pure créature de cinéma, réalisée entièrement en trucage, le produit artificiel des intentions contradictoires de ses deux artistes de parents. (...) Bien entendu, et c’est là que la métaphore familiale trouve sa pertinence, le cinéma finit par échapper à ses créateurs. Et au public, d’ailleurs, qui hante le récit de façon récurrente, une espèce de foule cannibale et sinistre qui ne cesse de consommer plus d’histoires. Et la petite Annette vogue de ses propres ailes, comme un constat du fait que, indépendamment de toutes les vicissitudes, qu’elles viennent de notre sale époque ou soient inhérentes à son mode de production, le cinéma conserve toujours une capacité pour la sublime, la possibilité de tout transcender."

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Une vraie leçon de cinéma. Je suis même pas forcément un grand adepte de Campion à la base, mais là il y a une maîtrise, une précision dans chaque plan qui est absolument à tomber. La façon dont elle révèle progressivement les vrais protagonistes du drame, les vrais enjeux du film (y compris de son genre: en fait, c'est un thriller érotique comme elle en avait réalisé avec In the Cut dans un enrobage de western qui agit comme une distraction) - c'est fait avec tellement d'astuce et de créativité, sans jamais renoncer à une sobriété et une distance absolue. Pas un plan à jeter, pas une performance dans le quatuor principal qui ne soit pas quasi-parfaite (Benedict Cumberbatch, notamment, n'a jamais été meilleur). Chef-d'oeuvre.

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On pourra dire que c'est pas vraiment du cinéma, mais je trouve qu'il y a plus d'idées de mise en scène dans cette heure et demi que pratiquement n'importe où ailleurs. C'est un portrait au vitriol, incroyablement juste, non seulement du confinement, mais bien de la façon dont on pense, on raisonne, et on se construit esthétiquement et politiquement à l'ère du tout-numérique, tout-connecté (il y a pas mal de parallèles à faire avec Le Genou d'Ahed, quelques places en-dessous, d'ailleurs - dans cette approche très transmédia qui combine les techniques pour déconstruire la figure de l'auteur tout-puissant). C'est drôle, touchant et incroyablement déprimant.

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Incroyable de justesse et d'humanité - une petite tranche de vie toute simple mais qui trouve une puissance presque métaphysique en utilisant les codes du cinéma de genre et du film d'horreur comme outils de réalisme social. C'est d'une beauté, et - fort à propos - d'une humanité folle. Magnifique.

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J'ai (aussi) écrit une critique dessus!

"Si (le film) a un sujet, c’est ce moment où le sentiment de supériorité morale, même justifié, s’aigrit, se caille, se coagule en quelque chose de cynique, de violent, de monstrueux. (...) Le film est donc, au bout du compte, un exercice fondamentalement honnête, fondamentalement humble. Qu’un réalisateur s’auto-critique d’une manière aussi violente, c’est rare, rare et admirable. Le Genou d’Ahed est une étude sans compromissions des limites du cinéma politique, des limites de son propre créateur, et de l’idée même de révolution dans le monde contemporain. Encore que. Peut-être que le vrai cinéma révolutionnaire, c’est celui qui porte sur l’échec de la révolution. Qui, en analysant les causes de cet échec, peut, espérons-le, nous apprendre quelque chose, et nous préparer à être meilleurs si un grand soir hypothétique vient à arriver."

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C'est pas impossible qu'il ait perdu une place ou deux juste à cause de ce plan de fin complètement raté.

Mais! En dehors de ça - un film remarquable: on lui reprochera sûrement de ne pas avoir l'ambiguïté narrative d'un Rashomon, mais en même temps, ce n'est pas l'effet recherché. Scott essaye plutôt de disséquer cette galerie de personnages, de genres, et y arrive redoutablement bien, accompagné par des performances assez exceptionnelles. Et ce dernier tiers, surtout, multiplie les scènes sublimes, du duel en lui-même à ces conversations feutrées et calmes qui font ressortir toute la violence d'un monde médiéval pas forcément si distant.

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I wrote a critique, yes indeed:

"Ce qui reste, derrière cet uppercut (indigeste, pourraient dire certains) de références, de connections, c’est une illustration magnifiquement honnête et poétique du processus créatif. Il y a une foi (presque naïve, ce qu’on voit particulièrement dans le segment central, où la révolution politique est davantage vu comme un espèce de marotte artistique d’enfants grognons) chez Anderson dans la puissance de la création, dans la richesse d’un monde qui n’en finira jamais vraiment d’être ré-enchanté par l’art, quand bien même les œuvres et les vies tombent et brûlent au fil du temps. La conviction que la mort et la tristesse peuvent être sublimées dans la joie d’un art qui, à défaut d’être éternel, porte dans un moment une inspiration extraordinaire … c’est une joie profonde, et pourtant fugace, abstraite, difficile à retranscrire au cinéma. Anderson y est arrivé. Il faudrait penser à lui dire merci."

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La meilleure surprise de l'année. Je m'attendais à rien, et je suis tombé sur un film d'une créativité visuelle impeccable, drôle, violent, mais qui surtout raconte des choses fascinantes - toute la dimension ambigüe du loup-garou, surtout dans les dynamiques de classe qu'il incarne, n'a jamais été mieux montrée au cinéma.

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Verhoeven reste quand même un peu l'homme de deux films - Starship Troopers et Robocop -, deux chef-d'oeuvre qui écrasent le reste de sa carrière. C'est donc plutôt sympathique de voir qu'il a su s'élever à ce niveau à nouveau - Benedetta est même l'aboutissement de toute sa démarche, de ce double-sens de lecture qui structure tous ses films: un métrage de Schrödinger qui est systématiquement satire de la religion et film sincèrement religieux dans chacune de ses scènes.

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La deuxième meilleure surprise de l'année. A mille lieux d'un film de vengeance bas du front, c'est une réinterprétation pensive et élégante de la mythologie grecque, un film d'anti-vengeance sur l'acception du deuil et l'inévitabilité des choses. Cage est fabuleux, et le film est d'une étrangeté jubilatoire.

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C'est du cinéma très classique, mais d'une efficacité redoutable - et la lente prise de conscience d'une fonctionnaire Stalinienne qui se rend compte des horreurs auxquelles elle participe, c'est un grand sujet, qui finit dans une scène de fin d'une beauté assez incroyable.