Voilà bien le genre de disque qui surmonte toutes les étiquettes. On pourrait parler d'"Electronica", songeant aux atmosphères de Boards of Canada mais il n'y a pas d'électronique - si ce n'est quelques effets et claviers réglementaires - et donc le terme devient hors propos. On pourrait parler de "post-rock" mais l'essence même de la musique prend sa source dans les musiques populaires des années 60 (avec usage recommandée de guitares Rickenbacker) et donc bien avant que le mot ne soit inventé. On pourrait parler de musique de film mais #1 ne sert de support à aucune image. Crëvecoeur, trio nancéen composé de Fanny, Luc et Romain, à l'image du néologisme de son orthographe, pratique donc une musique originale que l'on qualifiera d'de folk-pop instrumentale aux saveurs épicées. On pourra noter une ballade italienne nonchalante dans les terres arides du sud (Don't forget your hat. Ou des musiques de western spaghetti au moment du duel final sous un soleil de crépuscule avec une montée de trompette au dessus des haciendas (We leave the ranch, the gasman and me ).
Crëvecoeur couple ces ambiances avec un background issu du rock, et les deux instrumentaux deviennent un Nino Rota meets Pascal Comelade ou Dominique A pour le premier et un Ennio Morricone se dévergonde chez Calexico pour les autres. Les orchestrations du trio, à l'instar de Jack The Ripper, sont solidement charpentées par une pléthore d'instruments y compris acoustiques. Les deux groupes ont en commun un soupçon de folklore de l'Est qui revient parfois à la charge et réaffirme un mélange d'allégresse et de mélancolie (Slow waltz with Elvis...comme son nom l'indique). Crëvecoeur ose les rapprochements originaux : une basse Cure période Faith, une guitare western et une trompette jazz cool sur Juliette par exemple pour un résultat en mode mineur au fort pouvoir émotionnel. Mise à part L'équarisseur de songes, gentillette berceuse un peu niaise, ce #1 apparaît comme particulièrement abouti ; le trio a en effet pris son temps, enregistrant sur 3 ans son album et cela s'entend. Ce serait un crèvecoeur que de ne pas se le procurer.