Goddamn...

"Le pop-punk c'est pour les ados"
"Ce groupe me rappelle mon adolescence"
"Tiens sympa ce qu'on écoutait quand on était au lycée"
Voilà le top 3 des phrases les plus stupides dites par des français concernant le punk rock californien. Tout est dans les mots et ceux à quoi ils se rattachent. Les définitions littérales vont réfléchir à la place de pecnots qui limitent bêtement le punk rock de cette belle Californie à "notre adolescence".
Je pense en faire une thèse de cette idéologie répandue autant que la connerie...Bref.

J'ai 29 ans et j'écoute pas mal de chose qui gravite autour de la pop punk issu de la côte californienne, mais pas que.

Sum 41, comme beaucoup m'a accompagné durant mon adolescence (et merde... point hypocrite). Je dois dire que c'est l'un des groupes qui a été le plus sous estimé après l'album "Chuck" de 2004 qui est encore aujourd'hui une putain de bombe.
Malheureusement "Underclass Hero" sortie en 2006 se fera sans Dave Brownsound (David Nizaam Baksh) : guitariste soliste. Trouvant que le groupe se tourne un peu trop vers la politique à travers cette galette et lui, préférant rester dans le métal un peu plus léger.
Du coup Sum 41 continue son petit bout de chemin avec Tom Thacker nouveau guitariste qu'on peut qualifier de polyvalent. En effet il va apporter un plus de saturation et de "hard" au groupe à travers l'album "Screaming Bloody Murder" paru en 2011.
Je recommande cet album qui en dehors de 2, 3 morceaux, est assez extraordinaire. D'une c'est un pamphlet contre Avril Lavigne son ex femme...De deux, le groupe se laisse clairement vers un genre auquel il ne nous avait pas du tout habitué. Et ça sonne bien, le tout est cohérent et regorge de rage, de sueur, de larme et de sang. Surtout de sang.
Quoiqu'il en soit après la tournée pour défendre la galette qui ne se vendra pas super bien, Sum 41 va être sur la banc de touche. En 2013 Steve 32 le batteur originel quitte le groupe et sera remplacé par l'amazing Franck Zummo en 2015. Année du retour de notre guitariste soliste préféré Dave Brownsound.

Mettons nous dans le contexte. Deryck (le chanteur) ne va pas très bien. Alcoolique notoire il finit sur un lit d'hôpital. Alité pendant 1 an, il reviendra de très très loin. Donné pour mort. 13 Voices sort de quasi nul part. Annoncé, retardé, l'album sort le 7 Octobre 2016. Le virage est amorcé.

Au passage, Tom (le guitariste qui avait remplacé Dave est resté dans le line up). Maintenant que nous en savons un peu plus. Il faut savoir que 13 voices fait suite et fin à Screaming Bloody Murder. Deryck va mieux, il en a chié sa race et veut le faire savoir.
Personnellement, j'ai découvert l'album à travers le single "Fake on my own death". Plutôt brute et efficace. On ressent le manque de break instrumental au moment du bridge de la chanson. Mais c'est percutant et l'effet est donné.
On va vers un album qui risque de déboiter.

On commence avec une intro "A murder of crows". Si tu connais Sum 41 et Dave...tu comprends que son retour n'a fait que du bien aux compos de cet album. On est loin du pop punk pour adolescent ici. A l'instar de Screaming Bloody Murder, on est encore dans l'introspection. C'est puissant. Zummo donne une rythmique franche et fraîche.
Pour la petite anecdote, Deryck révelera plus tard d'avoir été "volé" et abandonné par des amis (qui étaient des fans) pendant sa descente aux enfers...C'est clairement une référence.

"Goddamn I'm Dead Again". Là on rentre dans le dur. Sum 41 nous montre qu'on envoie des riffs ciselés dans le marbre. Refrain catchy et batterie toujours sur un rythme soutenu. Sans faille!
Dave et Tom vont balancer un petit solo à deux. Exercice bien trop rare dans ce milieu pour ado (sarcasme). On a l'impression de l'hommage à Iron Maiden...Je pense plutôt que le groupe nous montre qu'il est capable de jouer un large panel issu du rock. Ce solo est démoniaque. Le mixage est parfait. Il n'en fallait pas plus. La batterie porte le tout de manière savoureuse et donne envie de défoncer des murs à la tête.

"Fake My Own Death". un morceau plein de rage. Ça part dans tous les sens. Et c'est assumé. Ici on ne sait pas si c'est du à un souci perso ou un ras le bol de l'industrie qui prône la pop avant tout. Je pense que ce morceau a un deux niveaux de lecture. Un concernant Deryck se faisant passer pour mort (cf plus haut bande de feignasse). Et enfin le constat de leurs jeunes années où ils ont été usé jusqu'à la moelle par l'industrie. En live, ce morceau est très bien joué. Il est un chouilla plus lent et permet à Tom de faire la 3e voix. Pas mal pour un retour!

"Breaking The Chain". Ici on est dans la classique. La chanson qui nous explique un peu pourquoi ça a dérapé (l'addiction). L'acceptation de l'addiction (et oui quand on est drogué ou alcoolique on a une gros phase de déni). Et enfin "Breaking The Chain", la renaissance! C'est plus convenue comme morceau. Je ne l'apprécie pas plus que ça. Mais on est dans une rythmique hard, lourde. C'est loin du pop-punk comme certains l'analysent ici...bref.

"There Will Be Blood". Je préfère être honnête je n'ai pas compris la portée de ce morceau. J'ai bien une idée, mais elle risque de ne pas être bonne (la critique autour de soi, l'abandon des potes dés que ça devient un peu dur...). Je ne sais pas.
En ce qui concerne la musique, ici on a des guitares moins saturés. Mais un refrain très harmonique. Les paroles sont mélodieuses. Un boléro classique à la batterie n guise de bridge pour lancer le break. Rien de bien ouf. Mais on sent que le groupe est passé au niveau supérieur.

"13 voices". Avec "Goddamn I'm Dead Again' c'est mon morceau préféré. Le titre éponyme. Tout a été mis dans ce morceau. Une intro soignée, un riff dévastateur, un break démentiel. Bref le morceau, est pour moi, parfait.
Concernant l'interprétation du tout. Ici Deryck semble ne demander aucun pardon pour ce qu'il a fait. Juste de la compréhension. Il me donne l'impression d'être face à un mur. Où toutes ces certitudes s'envolent et font place au désespoir, la solitude...

"War". En voilà un morceau qu'il est bien aussi. Bien écrit. Les enchaînements sont excellents. Malgré le "faux calme" du morceau. Il nous parle de cure de désintox. Ces envies de rechute. Les débiles autour qui lui disent de la merde. Le tout, en regrettant ce qu'il est devenu. Ce qui nous implicite qu'il va nous redonner le meilleur de lui-même?

"God Save Us All (Death to Pop)". Alors ici on est dans la critique, clair, net et putain de précise de l'industrie et de son intention de toujours favoriser la pop aseptisée. "may sum41 c de la pop punk"...
Soyons sérieux. Il nous parle de passion. de cracher ses poumons sur scène. En gros, il veut donner le monsieur. A ses fans, à son entourage...Un retour aux sources en somme, le vrai. A travers ce morceau très véner mais maîtrisé (du véner pour du véner aucun intérêt) Sum 41 nous explique qu'il joue pour ses fans, pour eux et continueront dans ce sens.
D'ailleurs, Sum 41 nous montre qu'ils ont compris. On peut faire un morceau critique et incisif sans forcément balancé des riffs n'importe comment. Un exemple de maturité saupoudré d'immaturité pour rendre le tout un peu paradoxal, mais plus profond qu'il n'y parait.

"The Fall and The Rise". Bon les gars, j'vais pas vous tenir la bite pour pisser droit. Tout est dans le titre ici. Pas de sous texte ou autre merde dans le genre pour se sentir poète. Deryck est honnête, comme cet album jusqu'ici.
Musicalement. C'est Zummo qui porte une fois de plus le morceau à travers sa puissante batterie. On pourra regretter les contre temps de Steve 32. Mais la rythmique de Zummo est plus soignée et avantageuse dans ce type de morceau. Ce qui permet aux guitaristes de placer des riffs très propres et percutants, encore!
D'ailleurs Dave et Tom n'en font pas trop sur cet album. Pourtant le groupe aurait pu tomber dans la facilité avec le retour de Dave, et nous placarder des solos métaleux à droite à gauche, mais non. La recherche est là. Et ce morceau en est le parfait exemple.

"Twisted by Design". Pour moi, ce morceau représente tout ce que j'aime dans ce style musical. En d'autres termes, on sous estime clairement le potentiel de groupe comme Sum 41. Ils sont polyvalents. Mais ils le sont bien!! Ce petit côté électro pour porter la voix de Deryck, comme un son de cathédrale. On est dans la phase de renaissance. Il va mieux. C'était long, douloureux et laborieux. Mais il y croit. Il a retrouvé la rage.
Ce morceau est assez lent. Posé, mais tout en saturation. Ce contraste est clairement la signature de l'album. Pari réussi.

Bonus Track : Vous trouverez des versions Bonus de "13 Voices" avec Better Days (tout est dans le titre), efficace et enjoué.
"Black Eyes", plus perso. Ce titre avait sa place dans l'album. Le riff est dévastateur. Le morceau est puissant.
"War" Acoustic. Réussi. La chanson a été récrite pour l'occasion.
"Breaking The Chain" Acoustic. Pas mal aussi. Je préfère d'ailleurs la version acoustique.

Conclusion :
Allez bien vous faire enculer avec votre pop punk. Stop de mettre tout ce qui vous arrange dans des cases pour vous sentir plus grand que les artistes que vous écoutez.
Essayez de toujours prendre le contexte en compte quand vous parlez d'un groupe. Tout n'est pas 1er degré. La plupart des chansons ont besoin de plusieurs écoute pour être appréciées, pour en découvrir les subtilités que vous n'aurez pas entendu.

Et Sum 41 n'a plus rien à voir avec notre adolescence depuis l'album Screaming Bloody Murder (2011) et encore je suis sympa.
Si vous trouvez un rapport entre la pop punk insouciante de "Motivation", "Fat Lip" ou "In Too Deep" bah laissez tomber la critique. Et go ORL!

Enfin, même si cet album avait été insouciant...en quoi c'est problématique? Depuis quand une musique doit être spécialement dur à écouter pour être crédible? ou profonde?...

"13 voices" est personnel, puissant, revigorant, impressionnant...les qualitatifs ne manquent pas. Et c'est un plaisir de l'écouté dans sa totalité. Il m'a mis une claque. Deryck en a chié. Et pourtant sa galette est loin d'être un étron!
Quand on sait qu'il y a quelques mois il était mort dans son lit...