Ressenti publié dans le cadre de mon classement intégral de la discographie de David Bowie, composée de 26 albums studio.
Numéro 13 :Outside
Deux ans près son retour en solo en 1993, Bowie poursuit sa lancée avec un projet semblant dantesque. Sortir un album conceptuel, racontant une enquête policière, le tout à travers une recherche musicale dont le terme "expérimental" est le maître mot. Cet album, c'est 1. Outside. Le "1" faisant référence à une sortie d'albums que devait sortir Bowie, le but étant qu'un nouvel opus sorte jusqu'au nouveau millénaire. Un projet impressionnant et ambitieux qui n'aboutira pas, Outside n'ayant jamais de suite. Pour cet album, Bowie s'associe de nouveau avec Brian Eno, une première depuis La Trilogie Berlinoise.
Concernant ce que raconte l'album, voici la trame :
"En 1999, le détective Nathan Adler travaille dans la division « Art-Crime Inc. », chargée d'enquêter sur l'Art-Crime, un nouveau courant artistique utilisant le meurtre comme une forme d'art, dont la dernière victime en date est une jeune fille de 14 ans, Baby Grace Blue."
Dans une période où le Britpop est à son apogée, l'album recevra des albums mitigés et ne sera pas un grand succès commercial. Bowie représentera son album avec une tournée où il y conviera Nine Inch Nails, dont il est évident que le son aura fortement influencé celui de Outside. Une tournée où Bowie sera critiqué car ne jouant pas assez d'anciens morceaux. En effet, Bowie ne rejouera, parmi les morceaux de son déjà bien vaste catalogue, que veux collant à l'ambiance de sa musique actuelle, en réarrangeant d'ailleurs le son de ses anciens titres. Aujourd'hui, cette tournée et surtout l'album sont vus comme cultes, symbolisant une période où Bowie était dans un grand moment de sa carrière.
L'intro "Leon Take Us Outside" où Bowie récite dates et prénoms, sur une instrumentalisation minimaliste aux sons du synthé et d'une guitare tapit dans l'ombre, nous mène dès lors dans une ambiance mystérieuse qui nous donne un aperçu de sa puissance avec le morceau éponyme. La manière dont le morceau s'agence, pose son rythme, avant que le chanteur y pose sa voix en abordant la chose de manière parfaite.. tout est génial dans ce premier vrai titre. Une telle ambiance se dégage, ce n'est vraiment pas commun de voir un album si envoûtant aussi rapidement. Une vraie réussite. "The Hearts Filthy Lesson" est le titre suivant et rappelle l'album Black Tie White Noise avec une touche plus sombre pour ne pas paraître hors propos de ce qu'est musicalement le projet. Un titre que je n'arrive pas à voir comme plus que simplement bon. "A Small Plot Of Land" est un segment musical qui pour le coup est totalement raccord avec ce qu'est l'album. Bowie n'y est pas très présent vocalement mais surélève pourtant à chaque fois le titre dans une sombre apesanteur, particulière mais entrainante. S'ensuit un interlude non marquant mais pas désagréable de Baby Grace, l'album ne s'arrête pas mais fait une petite pause sans que le spectateur ne perde l'essence de l'album. Le projet repart et de quelle manière avec le percutant "Hallo Spaceboy", alternant sans cesse entre montée en puissance et puissance justement. De l'indus' électronique qui donne à l'album un rythme absolument frénétique qui n'était pas encore véritablement présent jusqu'ici. S'ensuit un titre ô combien différent mais qui répond pourtant superbement au précédent, "The Motel" est une longue balade lancinante et conférant toujours une atmosphère si caractéristique de ce qu'est l'album. Une sorte de suite au titre éponyme, étant bien plus lent encore que ce dernier mais avec comme point commun cette montée en puissance significative. Une vraie réussite. "I Have Not Been To Oxford Town" serait donc lui la suite de "The Heart Filthy Lesson", avec la même impression que le titre n'est pas vraiment à sa place, bien que l'album ne se doit pas de fournir que des moments d'ombres, ici je trouve un peu la dynamique cassée, bien que le morceau soit sympa à écouter. D'autant plus que le morceau suivant est "No Control", la synthèse parfaite de "Hallo Spaceboy" avec ce rythme futuriste et "The Motel" avec ces refrains qui prennent de la hauteur. Un autre très bon cru de l'album. Le segment "Algeria Touchshriek" est long et si l'accent et la voix du chanteur peut faire sourire, en fonction de l'état d'esprit à l'écoute de l'album, on peut juste trouver ça trop long et pas très nécessaire, si ce n'est pour la trame narrative du projet. "The Voyage Of Utter Destruction" prend le relai et le fait plutôt bien même si nous sommes très loin des moments marquants que nous offre l'album. À peine sorti d'un segment qu'un nouveau arrive, celui-ci étant cette fois plus court et plus appréciable dans son ambiance, rappellant véritablement la série Twin Peaks, véritable inspiration de Bowie pour l'album. Surtout, le segment est en collocation avec l'atmosphérique "I am With Name" qui aura le mérite de parfaitement s'accorder avec le titre suivant, "Wishful Beginnings". Un diptyque efficace, semblant être les abysses de l'album. On quittera cela vite avec "We Prick You", sorte de "The Voyage Of Utter Destruction" qui parvient lui non plus à être transcendant, et cela malgré qu'il soit plus que correct. S'ensuit un énième interlude, dépassant la minute. Pour une raison que j'ignore, je pensais lors de mes premières écoutes que l'album se terminait ici et que le reste n'étaient que morceaux bonus. J'avais mal lu la tracklist sur wikipédia, probablement. Je découvre la chansons suivante, comme beaucoup, à travers le film Lost Highway de David Lynch. Étant un grand appréciateur de l'oeuvre du cinéaste, ce film là en particulier était celui qui me donnait le plus envie. Nous sommes en 2020 (ou 2019) et je lance le film à minuit passé. Mon dieu. "I'm Deranged" est un immense titre, la noirceur de l'album est ici sublimée comme ce n'était même pas envisageable. Tout est parfait et nous sommes pour moi parmi ce que Bowie a fait de mieux dans ce qui peut faire parfois l'étrangeté et la singularité de son art. Pour conclure sur le film, disons que la chanson sublime l'ensemble du film et que la réciproque est vraie. Il est dommage que ce moment de l'album soit suivi par celui qui est peut-être le plus anecdotique, "Thru' These Architects Eyes" est à peine appréciable et suit mal le titre précédent. Il ressemble à des titres déjà entendus dans l'album et clairement, il y en a en trop. Nous terminons avec un segment de tente secondes et "Strangers When We Meet", morceau déjà entendu dans le projet précédent de Bowie (The Buddha Of Suburbia), dans une nouvelle version mais avec la même essence. Jolie conclusion.. pour ceux n'ayant pas entendu l'album qui précède celui-ci.
Outside est un album marquant de son auteur. Pas le plus facile d'accès, il est au contraire plutôt exigeant mais ceux qui sont sensibles à ses sonorités ou son ambiance ne seront pas déçus de voyage. C'est un euphémisme de le dire. Une profondeur du son, un souci d'atmosphère et une créativité que nous ne soupçonnons plus de Bowie, malgré son bon retour deux ans auparavant. Il est un gros morceau dans la discographie de l'artiste anglais. Peut-être même trop gros. L'album est très long et même trop long. Des titres qui sonnent parfois doublons, n'apportant pas de surplus à l'album et mettant parfois même la dynamique du projet à rude épreuve. La présence des interludes se fait selon moi trop ressentir, la trame narrative conceptuelle de l'album semblant autant faire l'une des forces de Outside mais aussi l'une de ses faiblesses. Si je suis capable d'aimer l'album à un niveau avoisinant mes albums préférés de Bowie, je n'arrive pas à l'écouter aussi souvent que les autres projets concernés. De par sa longueur mais aussi de par sa fluidité parfois fragile. Il n'en reste pas moins que Outside est un album qui m'a marqué, que j'aime profondément avec de très grands moments, dont l'un représentant parmi ce que j'ai vécu de plus fort avec l'œuvre globale de son auteur. Rien que ça..