Ecouter 2 de Mac DeMarco, c’est d’abord se retrouver dans un autre espace-temps : une soirée tranquille dans la campagne, quelques amis ont ramené leurs amplis et leurs guitares premier prix et ils jouent de la pop, là, juste devant nous, dans un champ. Une chance : les musiciens en question ont du talent. Mais Mac DeMarco n’est pas seulement un bon compositeur et meneur de troupes, c’est un vrai personnage contemporain avec une gueule, un style : l’anti popstar.
Evidemment cette image ne s’invite pas dans notre esprit par hasard. Il suffit de voir la pochette de 2 pour s’en rendre compte, Mac DeMarco c’est le profil type du gars de la cambrousse qui s’assume tel quel. D’ailleurs on l’imagine aussi bien assis sur une machine agricole qu’avec une guitare dans les mains. Si l’on en juge par son sourire et ses dents du bonheur, il est visiblement content de faire les deux. Et certainement encore plus de faire partager sa musique à tout le monde, y compris au monde citadin « intello », parfois bêtement hostile à tout ce qui vient de la campagne. Mais Mac DeMarco se moque sans doute de l’origine de son public comme de sa première chemise (à carreaux) tant qu’il peut diffuser sa musique partout. Par conséquent, une fois signé chez une maison de disques (Captured Tracks) plus question d’affiner ses compositions (ni son sleeve, ostensiblement hideux), tout cela reste brut de décoffrage, comme le personnage ou en tout cas son apparence. De toute façon, un diamant, qu’il soit brut ou affiné, reste un diamant. A cette aune, la pop de Mac DeMarco est étonnamment décalée de l’image qu’il donne de lui, profondément classe malgré ses aspects rustiques. Ce fossé entre la forme et le fond est piquant, il nous amuse, nous intrigue.
Car pour polir aussi peu ses compositions et son image dans une société comme la nôtre, assujettie aux apparences, il faut avoir une vraie foi en soi, en son talent. C’est heureux, on l’a dit, Mac DeMarco a justement une aisance mélodique, un don même, pour séduire avec des arpèges de rien du tout (« My Kind of Woman », magnifique). Et quand on a ça dans les doigts, on peut tout se permettre. On peut se jouer de la justesse (parfois limite), de la technique (quelques notes sont mangées), on peut se contenter d’un mixage sommaire. Une guitare à droite, une guitare à gauche, la section rythmique au centre et c’est fini, on n’en parle plus. Mais c’est cela, précisément, qui nous donne cette sensation persistante que le groupe joue devant nous et à quelques mètres seulement. D’ailleurs on ne doute pas un seul instant que l’album ait été enregistré live, en quelques prises seulement, comme il y a… quarante ans ?
Cela ne surprendra personne, les chansons de 2 peuvent se ressembler car on y retrouve la même formule basique, les mêmes instruments, mêmes sons et mêmes effets. D’aucuns parleront de redondance, mais on peut y voir surtout une grande cohérence et aussi la beauté d’un voyage dans le temps. Et cette effronterie qu’a Mac DeMarco de nous dire droit dans les yeux « je m’en fous si vous ne m’aimez pas, seules mes chansons comptent » a quelque chose de vivifiant, presque punk (qui n’est pas sans rappeler les chansons déglinguées de feu Pavement). Bref, à force de vouloir se faire passer pour un rustre, Mac DeMarco nous fait en définitive tomber sous son charme un peu rudimentaire. Drôle de bouquet, mais il est clairement gagnant.