22, a Million
6.7
22, a Million

Album de Bon Iver (2016)

La Révolution Numérique, critique de Farnham III

5 ans, 5 longues années de silence radio, ceci a été le temps nécessaire à Justin Vernon avant qu’il ne resurgisse du néant pour nous publier ce qui sera vraisemblablement, un virage sans détour vers la conquête d’un nouvel auditoire.


22, A Million, parut en 2016 résulte d’une démarche artistique purement avant-gardiste. Une recherche minutieuse de sonorité nouvelle en puisant dans un éventail élargi de style et d’influence forgeant un album sonnant presque en adéquation avec ses œuvres précédentes. Le statut d’artiste indépendant n’a jamais pris autant son sens par le biais de cet album, au style difficilement définissable. Il est en effet assez délicat de le ranger dans une case précise tant celui-ci aborde la musique au sens large, s’inspirant aussi bien de l’électro, de la soul, du jazz, du hip-hop, de la pop et même du rock. Une volonté remarquée d’inscrire “22, A Million” dans l’air du temps ce qui crée presque indéniablement un décalage en comparaison aux anciens opus que l’on peut aisément présenter comme étant intemporel, ne s’inscrivant ni dans un cadre, ni une époque précise.


Tout est génialement réfléchi sur ce disque pour nous faire vivre une expérience musicale insolite quasi astral, à commencer par le nom donné à chacune des pistes de l’album qui contiennent toutes sans exception, un nombre et des éléments typographiques farfelus. En soi, cela construit un fil conducteur et une cohérence à “22, A Million” et ceux malgré cette diversification et cette variété assez déconcertante d’arrangements, de vocalises, d’effets vocaux et d'éléments rythmiques.


Cette mutation de son langage musicale, autrefois si pure et maîtrisé, peut-être également justifié par l’emploi d’un vocodeur spécialement élaboré pour l’occasion. Ce concentré de technologie que le groupe nomme “Messina” en hommage à son créateur, a pour caractéristique notable de produire des résultats et des sons aléatoires à partir de la voix de Justin ainsi que divers autres instruments. Rien de tel qu’une machine presque incontrôlable pour exprimer le sentiment de futilité terrestre éprouvé par l’artiste, parti alors s’isoler en Grèce sur l’île Santorin. Un véritable Ovni au sein de la discographie Folk, mais qui, d’un certain point de vue, détient quelque similitude avec ses œuvres précédentes, notamment dans l’usage de l’un des instruments chéris de Justin : Le Saxophone. Pas systématiquement utilisée sur chacune des pistes, cette touche singulière de cuivre intelligemment dispatchée vient toujours apporter cette profondeur et ce curieux pouvoir de nous faire naviguer à travers les titres.


Des titres qui ont de quoi provoquer une scission net et sans bavure entre les fans de la vieille époque et ceux qui s’ouvriront au contraire aux expérimentations plus assumées de Justin. D’un côté, des titres que l’on peut définir comme étant des pistes “Folk” à l'instar de “29 #Strafford APTS” et “21 Moon Water”, toutes deux moins soumises aux expériences soniques torturées de la “Machina” et qui ressortent comme deux bouchés d’air frais au sein de l’album.
Pour le reste, les règles implacables de la révolution numérique ont pris le dessus sur les sonorités de la folk conventionnelle et c’est tout simplement magnifique. Seul “8 (circles)" apparaît comme étant sauvé des sentiers battus et qui est pour ainsi dire, l’un des titres le plus mémorable de l’album pour ne pas dire le meilleur. Un étonnant regain de plénitude au sein d’un album abordant les thèmes récurrents chez les compositions de Justin suivants: sa friction individuelle et son rapport chaotique au monde qui l’entoure.


Là où Bon Iver avait décidé de se référer à la nature pour combler ses peurs et ses doutes, Justin a désormais choisi de s’exprimer à travers 10 chansons désordonnées, déshumanisées, déstructurées, et un retour en arrière est dorénavant et ceci presque inévitablement, inenvisageable.

FarnhamIII
8
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le 28 mars 2017

Critique lue 490 fois

FarnhamIII

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