Court exercice de provocation avec 17 fois le mot "paradis"

Critique rédigée en mai 2020


Quinze mois... quinze mois et des poussières qu'une personne que je ne remercierais jamais assez m'a fait ce cadeau d'anniversaire d'une valeur incommensurable, m'emmener à l'Olympia voir DIEU ; premier constat six mois jour pour jour plus tard, je ne m'en suis toujours pas remis. Tous ceux et celles qui me connaissent sachant ce que le bonhomme représente pour moi ; je propose ici une redite de mon avis rédigé à chaud le 23/11/2019 dans une version à jour.


Parce que la vie est démesurée. L'art aussi.
Je n'écris jamais de comptes-rendus musicaux, ayant tendance à penser que le quatrième art se suffit à elle seule et qu'elle doit davantage se ressentir qu'être analysée. Or, certains cas de figure passent nécessairement sous ma plume, en besoin d'exorciser sa libido sciendi musicale qui me hante depuis deux ans.


23h15, retentissement de la fin d'une baguenaude scénique de presque trois heures. Face aux quelques centaines de spectateurs ici présents, celui que nous tronquons sous les initiales HFT tire sa révérence après le traditionnel hymne La fille du coupeur de joints dont le public est accro depuis quarante ans, dans une ambiance prestigieuse.


Les pieds à peine retombés à terre, je confirme que ce mec n'a pas volé son statut génie. En deux heures et 45 minutes, il joue ses 40 ans de chansons sur scène dans leur presque intégralité, accompagné d'un orchestre marqué par la complicité de son Lucas "Tita Dong-Dong".
Dès le début, il annihile la salle avec Les Dingues et les Paumés, complainte des écorchés vifs et solitaires, et ma grosse madeleine de Proust du spectacle.
Le dandy charismatique n'oublie pas entre deux pistes, de conter au public la genèse de ses textes, en particulier en mémoire de ceux qu'il a écrit en pleines études à la fin des années 60 (l'inoubliable ballade amoureuse Je t'en remets au vent la première m'ayant fait de l'oeil dans sa version studio, l'incipit 22 mai ou encore une surprenante réhabilitation de l'énigmatique et profondément mélancolique *La dèche, le twist et le reste"), à la tête d'un premier album en puissance.
Non sans humour, il réhabilite des titres anciens, plus méconnus tels que Vendome Gardenal Snack et Un vendredi 13 à 5h pour la petite histoire de mettre à l'épreuve la mort comme lui seul parvient à faire. Aussi bien pour les morceaux acoustiques que pour les numéros orchestraux, HF raconte des petites anecdotes uniques, de ses différents accidents, ses problèmes de drogue, son amour pour ses fils et pour Loreleï pour ne citer qu'eux. Et afin de bien saturer les jambes et les bras mouvants du public, il poursuit l'extase générale en hurlant de toute la rage et sa colère Je vous attends ! avec l'hypnotique Alligators 427, lettre adressée à la faucheuse revendiquant son affront contre la maladie et les méfaits de la bombe atomique, puisant tout le pattern du rock psychédélique.
Notre Iggy Pop national n'a pas négligé de nous servir une stupéfiante version de Sweet Amanite Phalloïde Queen qui m'a fait vibrer les cordes vocales jusqu'à plus soif, tout en dénonçant l'absurdité d'accroître l'importance de la drogue au sein de l'homme et la faisant passer pour un vecteur de quête spirituelle vers un ailleurs faussement euphorisant.
Sans oublier une version d'un quart d'heure de L'agence des amants de Mme Müller, au pont musical digne des interprétations scéniques psychédéliques de Jacques Higelin À Mogador (1981).


HF est passé bien entendu par le clou du spectacle, l'immensissime Exercice de simple provocation avec 33 fois le mot coupable. Hubert tu me dois mon lot de salive ! Je me suis surpris à réciter de manière automatique ce procès verbal de huit minutes écrit en anaphore, dénonçant plus ou moins ce dont chaque être humain peut se retrouver impromptu accusé, ponctué de jouissives énumérations et de néologismes éloquents.


En passant par les titres rigolos ayant marqué le début de sa carrière (La vierge du dodge 51, Dernière station avant l'autoroute), il sublime le final du concert en nous faisant glisser sur un Toboggan à en faire chialer les chaumières, à la sauce The Fool on the Hill des Beatles. Douloureux tour de chant sur le temps qui passe, dont l'écriture digne de son modèle de toujours Léo Ferré, nous ressentons chacun la douleur de l'interprète à parler d'un passé qui n'a pas toujours été tendre pour lui. Un magnifique voyage pour conclure son dernier album (en date).


Cet album live confirme une nouvelle fois à quel point le gars est en avance sur son temps depuis quarante ans. Pour qui album live ne signifie pas "reprises à gogo d'artistes mondialement connus" ou "arrangements minimalistes et identiques aux originales pour ne pas décevoir les fans de la première heure" (ce qui explique le déclin progressif de ce type de publications depuis une décennie). Chacun de ses lives n'est pas seulement envisagé comme un album de commande, mais surtout comme une création à part entière, excitant de bout en bout.


En plus d'être un show à l'atmosphère et à l'élaboration des plus dingues, j'ai assisté ce soir-là à la définition type du mot artiste, s'il est toujours de ce monde dans une société où les médias privilégient l'expression bateau du bien-être à la place de l'expression adroite et (en même temps) honnête de l'homme dans l'essentiel.


Hubert est un dieu et le monde est toujours trop petit pour accueillir son génie.


PS: joyeux 22 mai à tous ! ^^

Créée

le 18 déc. 2020

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