De la nuit vers les étoiles

Un an.

Un an que Népal, aka klm, aka GrandMasterSplinter, nous a quitté.
Et j'ai toujours pas digéré. Parce qu'à mon sens, c'est un des plus grands rappeurs de sa génération, d'une technicité rare et d'une polyvalence exceptionnelle. A l'heure où j'écris ces lignes (minuit, envie de cons une pe-clo alors que je suis non-fumeur), il nous a légué ses derniers morceaux via le fameux label 75e Session respectant ses dernières volontés. Des morceaux encore une fois qui flottent au-dessus de tout ce qu'il se fait dans ce grand rap jeu, et qui m'ont douloureusement rappelé à quel point l'artiste va me manquer .
Mais là on va parler de son deuxième EP, 445 Nuits, l'œuvre par laquelle à titre personnel je suis entré dans son univers après l'avoir découvert en feat avec 2Fingz sur Lucy de Lomepal.

L'EP, qui dure moins de 25', s'ouvre en trombe avec Niveau 1. Simple, efficace, une belle porte d'entrée pour la suite où le Parisien nous boxe avec un kickage de folie et des punchs qui nous enchaînent. On enchaîne avec Maladavexa, là aussi un grand cru avec des phases percutantes comme peu arrivent à le faire :

Tu voulais l’infini ? Imagine le numéro d’série d’une balle
Des génies du mal, trop d’phases à raffiner
Impossible de compter l’nombre de joints calcinés
Fatigué, dur de m’faire à l’idée qu’faudrait qu’j’te tourne le dos pour que nos deux cœurs soient alignés

Vient ensuite un interlude, Love64, où sur une prod magique (produite par ses soins évidemment) il déballe des fragments d'une histoire d'amour à la deuxième personne. Se parle-t-il à lui-même ? A un de ses gars ? A nous ? Une seule certitude, son histoire résonne en nous même si on n'en a jamais vécu de telle grâce à ses phrases qui résonnent universellement.
Mais si on est là dans plutôt dans une ambiance de rupture, on ne quittera pas le thème des meufs dans le morceau suivant, Deadpornstars avec son acolyte Doum's. Sample de Chaturbate, références à Bryson Tyler, Mia Khalifa, Anissa Kate ou encore Marion-Maréchal : on est clairement dans la partie superficielle du sexe, une nuit sans lendemain, une mécanique implacable ne laissant place qu'à la solitude.
Condamné, jugé, il va développer peu à peu vers son ressenti vis à vis de tout ça dans Jugements avec 3010. Uniformité sociale et déterminisme auxquels il veut échapper mais semble condamner quand même, une sorte d'humeur noire s'instigue peu à peu dans nos oreilles.

Chaque jour dédié à quitter l’chemin créé par les pairs
Chaque jour à bosser les mêmes moves jusqu’à c’qu’on les perde
Couronne sur la tête promise pour les années à venir mais reflet dans
la guillotine Rouler les dés ricocher retrouver par défaut sa vraie
raison d'vivre

Arrive enfin le sommet de cet album, là où on a l'impression que Népal essaie de nous amener depuis le début : son Insomnie. Une prod lunaire, un texte où il nous invite dans son esprit torturé par son impossibilité de trouver le sommeil. Empathie et gentillesse sont bizarres, et pourtant on a avec lui envie d'être à la marge. Il y aurait une dissertation à faire sur chacunes des phases du morceau tellement il est riche, mais il ne se consomme que parfaitement sous beuh ou... insomnie.
On avance encore un peu avec Kodak White, en référence à Kodak Black évidemment. Un son d'ambiance parfaite, qui résonne comme si on arrivait pas encore à dormir à 5h du sbah.
Et enfin, 6h du mat' et Kamehouse. Réveil dur mais léger, après avoir appris de nos erreurs plutôt que de dormir. Toujours seul, toujours en marge, Népal est pourtant ici presque teinté d'espoir en analysant ses défauts. La prochaine nuit sera-t-elle la bonne ?

Cet EP est donc au final un modèle de cohérence : comme une avancée dans la fameuse nuit du titre, où on accompagne un Népal en quête de sens. Entre solitude et monde de fous, ses textes résonnent tristement aujourd'hui alors qu'il a trouvé le repos éternel.

R.E.P. monsieur l'artiste.