Le conceptuel et applaudi Bloodflowers a déjà presque 20 ans, et Smith clamait alors que c'était sa quarantaine naissante qui avait fait renaître ses angoisses... Et sous entendue sa verve créatrice, que certains avaient décriée après le honni Wild Mood Swings. Mouais. Après tout pourquoi pas : finalement les comptoirs en parlent partout de cette crise là, alors qu'on soit riche, artiste reconnu, et en couple depuis 25 ans pourrait ne rien y changer... Mmmh. Bref, à court d'argument peut être, mais quatre ans plus tard on ne l'entendait pas trop le Robert : il faut dire qu'entre la parution d'un nouveau Best Of opportuniste (rigolotes les reprises en acoustique m'enfin bon...), de l'intégrale des Faces B du groupe, l'heure était plutôt à la promo sauvage. Pourtant The Cure eut le culot de durcir le ton, nous faisant revivre par instants la violence de la (vraie) trilogie magique, et parfois même la magie pop d'il y a 15-20 ans resurgissait... Une excellente surprise !
Second déclic : l'éviction soudaine du duo paresseux O'Donnell/Bamonte pour mieux accueillir un vrai revenant, le regretté et fougueux Porl Thompson à la guitare. Alors bien sûr, certains voient ces éternels remaniements comme des caprices de diva, mais on peut aussi le percevoir comme une quête permanente d'une fusion, si ce n'est créatrice, au moins humaine. En tout cas le résultat a été une tournée à 4 franchement enthousiasmante, en forme de cure de jouvence, et immortalisée en DVD. Tout ça pour te dire, Robert, que c'était ça qu'on attendait : du rock, des soli, de la wah, et de la fougue, malgré ton âge avancé et ton bide. Et jusqu'ici tu avais presque toujours contenté nos attentes, parfois avec des choix surprenants, c'est vrai, mais toujours ambitieux (on passe sur les querelles de corbeaux versus popeux). Mais là, soyons honnêtes, ça sent le renfermé. Franchement.
D'abord, tu nous caresses dans le sens du poil avec en ouverture le meilleur titre de 4:13 Dream : "Underneath The Stars" est majestueux, d'une lenteur impériale. Et triste. Ah, petit malin. Tu n'es pas dupe, tu connais ton public certainement comme ta poche et tu sais que c'est le meilleur moyen de lui faire passer le goût de ce qui va suivre... Et dont tu n'es peut être pas tout à fait fier.
A ta décharge pourtant, ce nouveau disque a quelque chose de courageux : visiblement tu en as assez de jouer au gars dépressif (que tu n'es plus depuis longtemps sans doute) et ta musique s'en ressent. 4:13 Dream est donc certainement une oeuvre sincère, presque enjouée... Mais qui souffre d'un cruel manque de spontanéité. Car de l'efficacité démoniaque d'un Wish, de l'exotisme d'un Wild Mood Swings ou de la radicalité rock d'un The Cure, il ne reste plus grand chose. Juste quelques moments magiques, dispersés ça et là. Comme ces deux premières minutes de bonheur mélodique sur "The Only One", qui souffre d'un pont interminable. Comme cette légère folie qui règne sur le déjà banni "Freakshow", sur l'arabisant "Scream" ou ce "It's Over" délirant (dont on ne sait s'il faut le prendre au sérieux ou pas !) qui clôture l'album.
Il serait aussi injuste de ne pas évoquer la beauté certaine d'un "Hungry Ghost" aux accords très vivants, et sur lequel Thompson sort quelques notes cosmiques, ou l'évidence pop d'un "This. Here And Now. With You" sur lequel le grand Gallup nous fait revivre quelques grandes heures du combo.
Mais que c'est peu, comparé à l'agaçant "Sirensong" (ressorti d'un mauvais carton de Wild Mood Swings ?), au raté "Real Snow White", aux intentions "rock jusqu'au bout des ongles" mais au final tellement poussif, sans parler de "Switch" en forme de "Cut" du pauvre... Et ce "Perfect Boy", pop song étique, sans la moindre mélodie à fredonner ? On t'a rarement connu aussi peu inspiré du point de vue mélodique !
Peut on dire pour autant que 4:13 Dream tient du cauchemar ? Non. Parce qu'il y a cette voix, toujours incroyablement fraîche, et parce qu'il y a ces quelques morceaux qui surnagent, nous faisant espérer l'écoute d'une autre arlésienne, ce Dark Album évoqué par Smith. Alors, bien sûr, ce dernier peut jouer avec notre patience, ça fait même partie de son personnage depuis longtemps. Mais après ce disque qu'on peut qualifier comme étant le plus mauvais de la discographie de The Cure, il a intérêt à sortir le grand jeu. Ce dont il est encore capable, n'en doutons pas.
Alors, un petit licenciement Robert, ou ton album solo ? Gniac, gniac.