Ah, Stephin Meritt, sacré comique celui-là... 69 chansons d'amour... 69... cette blague est tellement nulle qu'elle en devient géniale. Quel genre d'album sur l'amour peut bien être un album qui se met sous le signe du 69? Une blague, une bonne blague.
Car oui, 69 n'est pas vraiment un album sur l'amour. C'est un album sur les chansons d'amour. A ce titre l'anecdote qui veut que Meritt s'était lancé le défi d'en faire cent pour se prouver qu'il pouvait est révélatrice: on n'est pas vraiment dans le sentiment le plus sincère mais bien dans la performance. Qui, de toute façon, peut se vanter d'avoir une expérience de l'amour qui remplit trois CDs et près de trois heures de musique, va de l'amour platonique à l'homosexualité en passant par l'érotomanie, la nécrophilie et le meurtre, et surtout couvre toute les genres de la musique populaire des cinquante dernières années?
Les paroles elles-mêmes, sont pleines de bonnes blagues, qu'elles explorent tout ce qui rime avec Ferdinand de Saussure, raconte la romance épique entre un cowboy de rodéo et une fille allergique à l'engagement, ou encore suggère de le faire comme le font les lapins... dans des costumes de lapins! - chaque chanson est un délicieux pastiche d'un type de chanson d'amour: amour perdu, amour fusionnel, amour torturant, amour délétère ou simplement amour charnel. Meritt décline toutes les couleurs des sentiments pour gentiment s'en moquer.
Mais ce ne serait encore rien si tout cela n'était pas relayé par la forme. Tous les genres sont abordés avec une joie de bricoleur absolument délicieuse. Il faut lire la liste des instruments utilisés sur l'album pour se rendre compte de l'étendue et la variété des moyens mis en place, du banjo au clavecin en passant par une kyrielle de synthés et de claviers, guitares et percussions. C'est assemblé de bric et de broc mais ça tient ensemble à la pure énergie, à l'enthousiasme sans mélange.
Et alors le miracle se produit et l'émotion, innocente et parfaite voit jour. Malgré l'humour et la pose, il y a au centre de 69 Love Songs une émotion qui ou met la banane ou fend le cœur. On rigole, on pleure, on aime, on vit et cet album nous en donne bien le temps.
Alors bien sûr il y a quelques morceaux qui sont dispensables, et bien sûr quelques morceaux qui sortent du lot. Vu l'ampleur de l'entreprise il n'aurait pas pu en être autrement, mais si même on enlève 10, 20 chansons, on dispose encore là d'une mine de 50, 60 petites gemmes qui brillent glorieusement vers le firmament.
69 Love Songs est comme un océan: trop grand que pour être embrassé d'un seul regard, on l'aborde toujours par le milieu pour se perdre en son sein, doucement bercé par l'immensité de sa beauté.
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