"Le réveil a sonné, il faut tenter de vivre"
Après un premier album qui a ouvert les années 2010 en beauté, James Mercer et Danger Mouse reviennent avec un After The Disco maîtrisé mais consensuel.
La rencontre de James Mercer (chanteur et leader des Shins) et de Danger Mouse (producteur à succès qu’on ne présente plus) remonte à 2004. Il aura fallu attendre 2008 pour qu’ils commencent à travailler ensemble, donnant ainsi naissance deux ans plus tard à Broken Bells ainsi qu’à un album éponyme, très bien reçu par la critique et par les amateurs de rock indépendant. Un disque mémorable, où opérait la collision entre une voix candide et des instrumentations inspirantes et inspirées, exploration de la pop sous toutes ses dimensions sans fausse note ni redondance.
Quatre ans plus tard, les deux comparses remettent le couvert sans rien changer à la recette : une production impeccable, des mélodies paisibles… Les deux singles, After The Disco et Holding On For Life, annoncent un album résolument pop, dans la veine du premier opus. Si l’album propose une ouverture synthétique assez audacieuse avec Perfect World, on regagne très vite les sentiers battus avec des arrangements caractéristiques qui produisent ces vibrations tamisées qu’affectionne Danger Mouse. La voix candide de Mercer fonctionne toujours à merveille. Avec aisance, After The Disco explore la désillusion des lendemains de ces fêtes où tout semble possible, pour mieux s’évanouir alors que la vie reprend son cours… horizon que l’on retrouve dans les courts-métrages accompagnant l’album, réalisés par Jacob Gentry. Dans une esthétique SF rétro-futuriste, le héros se retrouve pris au piège d’une vieillesse prématurée et des occasions manquées donnant lieu à un final profondément pessimiste, en accord avec un The Remains Of Rock & Roll qui nous invite à délaisser les espérances d’autrefois pour redescendre sur terre et aller de l’avant.
Alors que l’album présente une véritable cohérence, pas question de s’enflammer. L’ensemble est exécuté avec maîtrise, mais manque cruellement de panache, là où son prédécesseur se plaisait à jouer avec les influences et les registres. Il faut dire que l’album arrive dans un certain contexte. La quarantaine approchant, Danger Mouse a à son compte une carrière accomplie. Il a suscité la controverse avec son Grey Album, produit les plus grands (Gorillaz, MF DOOM, The Black Keys, Norah Jones), a connu le succès avec son groupe Gnarls Barkley et ses collaborations avec Sparklehorse et David Lynch… Quant à James Mercer, l’alliance de la lyre et de la plume est toujours au rendez-vous, mais moins passionnée que ce que l’on avait pu avoir avec The Shins. Le cycle atone qui suivit la sortie de Broken Bells – cette fournée d’albums doucement proprets pour l’un, un Port Of Morrow gentillet pour l’autre – devait nous mettre la puce à l’oreille. Comme si ce pessimisme avait envahit le processus créatif, comme si le duo n’avait plus rien à prouver.
After The Disco est indéniablement un album soigné et plaisant. Peut-être arrive-t-il simplement au moment où, dans une carrière, l’ambition est dépassée par l’expérience.