Dernier acte des aventures de Nathan Drake, Uncharted 4: A Thieve’s End offre à son héros une tournée d’adieux spectaculaire.


Après avoir raccroché les gants pour couler des jours heureux avec Elena, Nathan Drake n’arrive pas à oublier son passé de chasseur de trésors. Tout bascule alors que son frère Sam, laissé pour mort dans une prison panaméenne, le lance sur les traces du magot de Henry Avery, l’un des plus grands pirates de l’Histoire. La suite, on la connaît : exploration, courses-poursuites et rebondissements. Le quatrième et dernier épisode de la série Uncharted achève sa déclaration d’amour à l’Aventure avec un grand A, celle-là même qu’ont tant de fois sublimé Hergé et Spielberg.


Les larrons font la paire


Et pourtant, c’est presque à reculons que l’intrigue s’y engage. Particulièrement longue et réussie, l’exposition nous présente un Nathan Drake fatigué, tiraillé entre deux identités, entre la femme qu’il aime et la poursuite d’une fortune jamais atteinte. Si les ficelles du scénario restent toujours assez évidentes, Uncharted 4 réussit à intégrer le personnage de Sam sans briser la continuité des épisodes précédents. Dans la lignée du travail de Naughty Dog sur The Last of Us, l’alchimie entre les deux frères ajoute un degré d’interaction et de gravité inédit dans l’écriture, sans jamais trahir la bonhommie désuette propre à la série. Par monts et par vaux, chaque chapitre que l’on franchit nous rapproche un peu plus d’un dénouement dont on redoute plus que jamais l’issue.


60 money shots par seconde


Premier constat : c’est absolument somptueux. Sur le plan graphique, Uncharted 4 met à l’amende tout ce qui a été tenté avant lui, et intègre d’ores et déjà le panthéon des plus grosses claques visuelles de l’histoire du jeu vidéo. Au détour d’un bosquet, d’une alcôve ou d’une falaise, le joueur posera plus d’une fois la manette pour contempler un tel travail d’orfèvre – ou abusera du mode photo, c’est selon. Tant dans la gestion des textures que dans la profondeur de champ, chaque paysage éblouit par tant de démesure et de maîtrise, sans qu’aucun écran de chargement ne gâche le spectacle. Quand bien même une course-poursuite ou une séquence en ville viendrait surcharger l’écran, la fluidité des mouvements est assurée par des flous directionnels très discrets. Sur les 15 à 20 heures sur lesquelles s’étire l’intrigue principale, le titre affiche une stabilité à toute épreuve. Naughty Dog peut d’ores et déjà s’enorgueillir d’avoir créé le plus beau jeu de tous les temps.


Le parkour du combattant


Ce quatrième volet se démarque de ses aînés en mettant l’accent sur l’exploration : une fois l’aventure lancée, Uncharted 4 brise les codes en intégrant des séquences en monde ouvert, qu’il s’agisse de parcourir en 4×4 la savane de Madagascar ou de chercher des trésors en haute mer. L’ouverture des niveaux profite également de mécaniques d’infiltration inédites et plutôt bien exploitées. Nate peut en effet compter sur des herbes hautes pour s’assurer un camouflage à toute épreuve. Quand bien même il se montrerait peu discret, un cône situé au dessus de chaque garde l’avertit du danger. Jaune, le bougre se doute de votre présence. Laissez-le basculer dans le rouge et les balles pleuvront en moins de deux. Nate pourra néanmoins compter sur ses partenaires pour enchaîner les coups et prendre les ennemis par surprise, grâce à l’insertion d’actions contextuelles ponctuant élégamment les échauffourées.


Autre ajout qui vient pimenter l’action : le grappin. Cette petite révolution introduit davantage de verticalité dans la progression, ce qui mine de rien change pas mal de choses. Passé le surplus de vertige dans les séquences d’escalade, le grappin révèle tout son potentiel dans les fusillades. Acculé ? Ni une ni deux, Nate pourra s’agripper à une poutre et se balancer sur une plate-forme éloignée pour renverser la tendance. Dans le feu de l’action, il pourra également assaillir un ennemi par les airs et lui décoller la mâchoire d’un crochet bien placé. Une simple pression sur Triangle suffira alors pour récupérer son arme à la volée et nettoyer les environs. Rarement on aura cassé des bouches avec autant d’aisance et de fluidité.


Un plan (presque) sans accrocs


Même les toiles de maître conservent leurs zones d’ombre, et Uncharted 4 ne déroge pas à la règle. On pourra ainsi regretter que le déroulement des fusillades n’ait pas été repensé : de fait, le basculement entre l’infiltration et l’alerte rouge est parfois trop brutal. Pour peu qu’on joue en mode difficile, une réunion des mercenaires myopes anonymes peut en une fraction de seconde se transmuter en grande armada de GPS sanguinaires. Regagner une couverture relève parfois du calvaire, d’autant qu’il est impossible de cacher les corps et que certaines sauvegardes automatiques placent le joueur dans des positions indélicates. Les énigmes à base de courte échelle et de déplacement de blocs auraient gagnées à être renouvelées ou, à défaut, plus corsées. Autre bémol, le compositeur star du moment Henry Jackman (Kingsman, Civil War) fait le boulot avec une bande-son qui accompagne gentiment l’action, à défaut de proposer des thèmes aussi marquants que ceux de Greg Edmonson.


This Is It


N’y allons pas par quatre chemins : malgré quelques baisses de rythme, Uncharted 4 est un grand jeu. Dernier coup d’éclat avant de rejoindre la coulisse, c’est dans sa tonalité douce-amère que la conclusion des aventures de Nathan Drake surprend le plus. Bien loin d’un troisième épisode en feu d’artifice, cet ultime chapitre fait au contraire vaciller la flamme dans une narration diluée et intimiste où les personnages se dévoilent dans toute leur humanité. Les armes se taisent dans de grandes traversées crépusculaires ; alors deux frères rattrapent le temps perdu, scrutant un horizon tristement certain. Dans le tumulte ou dans le silence, il y a bien quelque chose que Drake emporte au panthéon du jeu vidéo : son panache.


Critique publiée sur Radio VL : http://www.radiovl.fr/uncharted-4-chant-cygne/

Kirabochips

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