Crème Solaire contre le spleen automnal

En le découvrant petit à petit, "&" se révèle être un grand album. Très Californien, à la fois solaire et indé, sa musicalité douce porte les douces soirées d'automne, en nous rappelant l'été. Si Julien Doré met un peu moins l'accent sur ses textes, c'est pour laisser exploser sa voix, plus rocailleuse et éraillée que jamais.

Moins extravagant qu'en ses débuts, plus sobre mais aussi plus maîtrisé, le chanteur semble avoir terminé sa mue amorcée avec brio sur son précédent album.

Si le Julien Doré que je préfère est celui de ses reprises abracadabrantes, dont on aimerait en voir un peu plus dans ses albums, ce chanteur plus moderne et posé, véritablement lancinant est tout aussi intéressant.
Véritable ode à la nature et au bonheur simple voire animalier, j'y vois un réel prolongement à LØVE, comme une face B.

L'album s'ouvre sur Porto Vechio, le morceau qui ressemble le plus à ce qu'à pu faire Doré sur son dernier Album, comme une porte ouverte vers ce qu'il veut apporter ici. Déjà, la voix est plus posée, et le synthé plus présent.

Coco Câline enchaine immédiatement sur quelque chose de beaucoup plus fun, morceau déroutant par les textes comme le chanteur sait nous en gratifier. Le morceau est l'un des plus vivants du titre.

Sublîme et Silence aurait elle aussi eu sa place dans le précédent album, le synthé laissant place à une voix plus nue, un chant plus lent, comme pour contrebalancer avec le morceau précédent. Mélodie de mots, poésie balnéaire, ce single a tout pour plaire et appelle aux vacances.

Le Lac est le seul véritable Tube de l'opus, à la fois calibré et vivant, il garde cependant les principales idées que cherche à faire passer Doré à travers son Album : cette idée d'amour de passage, et la beauté du sentiment amoureux.

Corail est une vraie surprise, en anglais avec une guest à la voix entrainante, mais se révèle un poil trop long pour ne pas en devenir répétitif : je me suis pris à passer à la suivante, alors que la première partie était réussie.

Mon écho est une chanson troublante, où le texte fait la part belle à la voix et celle ci le lui rend bien. Malheureusement pour moi, elle fait office de pause à un moment de l'album (après l'ennui de "corail"), où j'avais envie de redécoller, et pas de retomber dans le spleen.

Je n'ai pas accroché à la véritable surprise de l'album, Romy, chantée en Italien, et tout aussi lancinante qu'envoutante, mais elle a le mérite de casser le rythme au milieu d'un album qui commençait à n'être plus qu'un tout.

Eden ouvre un triptyque de titres complètement axés sur l'amour à la plage, ces étés hallucinés. On perçoit les plages de sable blanc et la mer turquoise à perte de vue, des souvenirs passés et le manque, cette envie de revenez-y. Bonus, une petite conclusion en voie nue très sympa.

Magnolia très variété française, au piano, même si l'iode se perçoit en fond, avec un gimmick en anglais et une légère batterie qui reviennent sur cette idée de rock californien. Le rythme y est très posé, mais avec toujours un bel équilibre.

Beyrouth Plage est mon titre préféré de l'album. Complètement axé sur la plage et ses joies, dans les paroles comme la musique (cette belle guitare électrique et ces coeurs chantants), elle est comme une parenthèse beaucoup plus gaie dans cet album qui aurait pu basculer dans la tristesse plutôt que le spleen. Encore un refrain-gimmick en anglais qui fonctionne à merveille, mais surtout une portée tubesque assumée, qui met en retrait les textes pour mettre en avant une belle musicalité, sans mettre de coté la voix de Doré. C'est assurément le titre le plus évocateur du message du chanteur, mais aussi le plus agréable à écouter.

Caresse Belle réussite aussi lancinante qu'évocatrice, elle est très à sa place dans cette fin d'album, laissant entrevoir un final plus dépressif qu'explosif. Le texte fait la part belle à des demis-mots-clefs sur lesquels Doré insiste, comme pour définir son album. En terme de musicalité, c'est très équilibré.

De mes sombres archives : Poème-conclusion, ce dernier titre est à part dans cet album, ne serait-ce que par sa longueur. Il termine en beauté les propos du chanteurs, même si je n'y ai pas vu un envol particulier.

Après le succès phénoménal de son dernier album, Julien Doré ne me déçoit pas en poursuivant son virage de l'homme apaisé et en nous emmenant, encore une fois, dans un sentier méconnu. Il arrive à faire sien autant de genres différents, à créer un monde qui lui appartient à lui seul, et c'est une grande force. Il paraît enfin difficile de ne pas adhérer à ces chansons là, tant elles sont agréables et douces à écouter, revêtues de ce caractère solaire que si peu d'artistes possèdent. La seule problématique à mes yeux semble être un rythme étrange sur l'ensemble de l'album, qui alterne es chansons finalement assez diverses. Si on trouve une cohérence globale dans les thèmes, j'aurai assemblé différemment les pistes. C'est un très léger bémol.