Animal
3.6
Animal

Album de Shining (2018)

Avertissement: cette critique, malgré le ton péremptoire employé, n'est que le reflet de ma vision de la musique de Shining et de mon opinion personnelle, et ne se veut en aucun cas une vérité immuable et inattaquable.
Merci de votre compréhension.


MERDE.
PUTAIN.
ALLEZ BIEN NIQUER VOS MORTS.


Pardon, j'ai même pas commencé que je m'emporte déjà. Reprenons au début.


J'ai fait connaissance avec Shining relativement récemment, il y a à peu près deux ans (je crois), avec Blackjazz, découvert par hasard grâce à un site assez chouette qui s'appelle Sens Critique. Et cet album a été une putain de révélation. Dès le premier cri de Jorgen Munkeby et le riff monstrueux de The Madness and the Damage Done, j'ai su que l'album allait me plaire. Et au final, j'ai tellement poncé l'album que c'en est devenu un de mes préférés, tous genres et toutes époques confondues. Un mélange complètement pété d'indus, de metal extrême et de free jazz, et si bien que j'ai eu l'impression d'entendre la musique que j'espérais entendre depuis longtemps sans même me douter qu'elle existait. Bref, Blackjazz fait partie des albums qui ont construit (et construisent encore, d'ailleurs) ma façon d'appréhender, de ressentir, et de penser la musique contemporaine.


Du coup, forcément, je me suis un peu penché sur le bordel, reprenant ce que je pouvais depuis les débuts du groupe, et me retrouvant sur le cul devant une évolution aussi pétée que celle de ce groupe. Au départ groupe de jazz, très orienté free jazz, qui finit par virer au prog puis au metal, tout dans ce groupe transpire le besoin de liberté artistique et d'expérimentation. Au point que j'ai aucun problème à comprendre que certains puissent se sentir physiquement violentés en écoutant leurs albums. Et puis cette reprise de King Crimson à la fin de Blackjazz... Parce que y'en a eu des reprises de 21st Century Schizoid Man, mais je suis pas sûr d'en avoir entendu beaucoup de potables. Mais eux ont réussi à retranscrire la violence du texte à une époque où les musiques extrêmes sont légion, tout en gardant le côté jazz pété du bordel, notamment grâce aux hurlements de saxophones de Munkeby. De tout ce que j'ai écouté, réécouté, et re-réécouté de Shining, le parcours était parfait. Jusqu'à International Blackjazz Society, j'y trouvais tout ce que j'aimais.


Puis est arrivé Animal. Et j'y ai trouvé tout ce que je déteste.


Au début j'étais enthousiaste, évidemment. Shining sort un nouvel album, et balance un single pour nous mettre l'eau à la bouche. OK, ils nous ont prévenu, l'album allait signer un changement radical dans leur style habituel. Après tout, pourquoi pas. Les mecs ont le sentiment d'avoir fait le tour du blackjazz et veulent passer à autre chose. Très bien. J'ai confiance. Jusque là ils ont fait du jazz, du prog, et du metal pété. Qu'est-ce qui pourrait mal se passer ? J'ai donc sauté sur l'occasion pour écouter le fameux virage radical du groupe, et là, le drame... C'est chiant.
C'est mou, c'est convenu, ça mériterait presque de se retrouver sur des grosses radios de merde... C'est chiant. Mais bon, un morceau de merde dans un album cool, ça arrive, c'est pas la fin du monde... Puis arrive le deuxième single... Et merde, c'est la même chose. Même chant, même rythme poum tchak à la con, je commence à avoir sérieusement peur pour l'album à venir, espérant de tout mon coeur que ces deux purges soient les ratés de l'album...


C'était les deux meilleurs morceaux de l'album...


19 octobre 2018. L'album est sorti, et j'ai une heure à vide au boulot pour l'écouter... Et Nom de Dieu, je ne me souviens pas avoir déjà ressenti autant de déception en écoutant un groupe que j'aime. L'album est un concentré de pop vocodée de merde, avec des synthés à deux notes, de temps en temps épaulés par des riffs de guitares qui essaient de te faire croire qu'on est dans un album de rock, mais qui se retrouvent systématiquement effacées derrière un chant emo insupportable et une rythmique de débile... Du côté metal, il ne reste que quelques envolées criardes de Munkeby qui finissent toutes par sonner fausses tant il se retient d'exploiter ses cordes vocales comme il savait le faire jusqu'à International Blackjazz Society, et du côté jazz il ne reste rien. Absolument rien. Toute la liberté rythmique (ou arythmique), et mélodique (ou amélodique... ça existe "amélodique" ?... dissonante, du coup) a foutu le camp pour laisser place à de la connerie prémâchée et sans âme aux sonorités insipides. Qu'est-ce qui s'est passé...


Pour le coup, ils avaient été honnêtes, l'album marquerait un tournant radical. Mais venant d'un groupe qui est passé du jazz au prog, puis du prog au metal, un "tournant radical" ça sonnait prometteur. Un groupe respecté à la fois au sein de la scène jazz et de la scène metal, c'est suffisamment rare pour être remarqué, et comme beaucoup j'imagine, l'annonce de ce fameux tournant laissait espérer des expérimentations complètement folles qui auraient pu nous plonger dans un nouveau genre musical, encore inconnu. Exactement comme ils l'ont fait pour Blackjazz. Animal est l'exact opposé de ça. Animal est une régression. Et cette évolution me fait me poser une question: à qui s'adresse cet album ? Quel public le groupe espère-t-il toucher ? Celui qui les connaît et qui les ont aimé pour leur liberté d'expérimentation ? Ou celui qui ne les connaît pas et qui passera sûrement à côté parce que la scène à laquelle ils appartenaient jusqu'à maintenant leur était étrangère ?


De toute façon, j'aurais dû me méfier quand Munkeby a décrit l'album dans une interview en disant qu'Animal serait "plus Muse que Meshuggah, plus Ghost que Gojira, plus Biffy Clyro que Burzum".


Vous étiez l'avenir du metal et l'avenir du jazz, les mecs... Reprenez-vous. S'il vous plaît.

Tartinovski
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le 20 oct. 2018

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