Quand je vois le foin fait autour de Woodkid, je retorque « Allez écouter Peter Von Poehl« . Son dernier album est un modèle de musicalité. Un disque qui ne la ramène pas, avec pourtant une forme grandiose qui se met au service de la composition et de l’émotion. Exemplaire.

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On savait le Suédois doué, surtout depuis son premier album Going to Where the Tea-Trees are en 2006. Déjà remarqué comme musicien chez AS Dragon, Peter Von Poehl démontrait là son talent pour perpétuer l’art de la pop et son cortège de mélodies universelles. Mais outre ce don -et cela serait déjà énorme, le bonhomme est aussi un subtil arrangeur : c’était notamment flagrant, à qui pouvait prêter l’oreille sur 15 Chansons, où derrière la voix présente (pesante ?) de Vincent Delerm, le Suédois renouvelait des trésors d’arrangements, et donnait un écrin majestueux de musique de chambre à des chansons françaises par-delà banales. Mais le mixage à la française étant ce qu’il est (à mettre la voix dix coudée au-dessus des instruments), ces trésors d’harmonie passaient invariablement au second plan.
Big Issues Printed Small arrive donc à point nommé pour remettre les pendules à l’heure et à placer définitivement Peter Von Poehl à la place qu’il mérite : au sommet. Tout simplement. Ce troisième album est un festival d’une pop symphonique à taille humaine ; un style qui ressemblerait presque à une antinomie si le travail de son auteur ne se résumait pas à faire vivre ce paradoxe. Vents, cordes, percussions, guitare, piano électrique…tout est effectivement là, se déployant dans une majesté irradiante, faisant de cet album un digne rejeton de la musique baroque (de Purcell à Divine Comedy), de Michel Legrand (Orders and Deegres), d’Ennio Morricone (To The Golden Rose) ou de Lalo Schiffrin (Twelve Twenty-one). Mais ces arrangements grand train à fort pouvoir d’élévation des corps, harmoniquement pas si évidents, ne sont jamais ostentatoires, jamais écrasants. Tout est ici au service des mélodies particulièrement humaines et touchantes du Suédois, distillées dans une finesse clair-obscur. L’âme de Peter Von Poehl et cette voix ultra personnelle proche de Peter Gabriel sont bel et bien là, plus que jamais au centre de la musique et vrai véhicule d’une émotion vraie. Pas d’esbroufe (c’est là que la différence avec Woodkid se fait sentir) mais avant tout des chansons pop, belles et éternelles. A la sophistication, le Suédois préfère le naturel. D’ailleurs, Big Issues Printed Small a été enregistré dans le studio attitré du songwriter en une seule journée. Histoire d’être sûr de capter la magie de l’instant, ce moment fragile où tous les musiciens se mettent au diapason pour créer ensemble une musique parfaite. La pop, cet art majeur : Peter Von Poehl nous le rappelle d’une manière aussi brillante que sensible.
denizor
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le 28 juin 2013

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