A la fin des années 90, la France se découvre une noise de qualité avec Purrr, Prohibition, Ulan Bator, Heliogabale…Une vraie génération de groupes exigeants, originaux, arty dans la démarche mais aussi électriques et passionnés. Que reste-t-il de cette vague underground qui arrivait même à fédérer un public de qualité et à remplir des salles ? De séparation (Thomas Mery ancien Purr en solo) en mutation (Prohibition devenant NLF3) voire en migration (Ulan Bator basé désormais entre l’Angleterre et l’Italie), la vague créative ne s’est pas transformée en déferlante du succès. Ce qu’on pouvait imaginer, la musique de ces trublions éclairés n’étant pas pour le moins formaté pour les radios. Mais tout cela n’a pas été vain et Heliogabale existe toujours et vient de sortir un 6e disque. Les plus cyniques diront par la seule volonté de labels activistes – et ils auront malheureusement raison – mais le disque est bel et bien là, bien produit (sous la houlette de Patrick Muller et Antoine Gaillet) et carrément bon. Le précédent, Diving rooms datait de 2004 et avait quelque peu déçu.
Blood est donc une sacrée belle surprise qui laisse un petit goût amer : le disque a tous les atouts pour toucher un public plus large que la confidentialité dans laquelle il se trouve. Heliogabale a appris à n’utiliser la force qu’à bon escient : et si l’album commence avec le puissant Q for thing, le reste verra le groupe francilien y préférer la frappe chirurgicale. A l’image de la pochette et de ce filet de sang donné par une claque précise et cinglante. Le chant de Sasha Andres se veut plus maîtrisé, plus tenu, moins chaotique ; elle n’en perd pas moins son charisme. Heliogabale reste original avec toujours la présence d’une trompette troublante et des structures un peu tortueuses ; le groupe garde aussi la pierre angulaire de sa musique : une guitare aux sonorités Sonic Youth. Avec Blood, ce Heliogabale là, plus mature que jamais, se rapproche de l’univers rouge velours de Laetitia Sheriff, gage de qualité s’il en est. On en redemande.