Pas forcément très connue, Carla Bozulich n'en est pas moins une légende au grain de voix si particulier. C'est une icône du rock underground à plus de 30 ans de carrière. De Geraldine Fibbers à Evangelista (son dernier projet en date) en passant par Scarnella,, elle en a vu l'Américaine ! Sans jamais transiger. Carla fait sa musique comme bon lui semble,, de manière âpre et rugueuse. Et cela, même quand elle reprend sur un album entier Willie Nelson. Ce choix est d'ailleurs symptomatique de la dame, inscrite dans une tradition musicale américaine ...pour mieux la pervertir de l'intérieur. Sur Boy, un titre comme Drowned to the light pourrait être un traditionnel folk. Sauf que la dame étire le temps, ralentit le tempo, joue avec le dissonance comme d'autres avec le feu et lâche quelques vautours au-dessus de la carcasse. On s'éloigne dès lors un peu d'Hank Williams., Dans un dépouillement relatif, Carla Bozulich sait être cinglante : basse, guitare, batterie, orgue, Carla Bozulich a le punk chirurgical ; une frappe net et précise qu'elle peut coupler avec des ondulations tribales (One Hard Man). Ou pas (Deeper Than the Well). L'Américaine, contemporaine de The Ex, a des similitudes avec le groupe hollandais.
Bozulich le dit elle-même : Boy est son rejeton le plus pop. Pour cet album Carla Bozulich s'est trouvée en John Eichenseer une aide précieuse (batterie, clavier, alto), une oreille et un bon renvoyeur de balles (en l'occurrence d'idées). Est-ce pour cela que Boy est"plus" pop qu'à l'accoutumée (surtout après le dernier Evangelista radical) ? Quoiqu'il en soit, même si la dame semble, par moments, plus docile et plus caressante, force est de constater qu'on est encore bien loin de Prefab Sprout ! La voix de l'Américaine n'est en soi pas très pop : habitée telle une Janis Joplin punk (le rapprochement peut être fait essentiellement sur Ain't no grave), écorchée autant qu'une Marianne Faithfull ou une Kristin Hersch. Et sa vision de la musique non plus, n'est pas vraiment mainstream : à côté d'elle Patti Smith (à la base très proche de Carla) pourrait passer pour une des Pointer Sisters.
Sur Boy, l'Américaine se laisse aller à plus de musicalité, que ce soit dans ses lignes de chant ou dans les mélodies qui les soutiennent. Le cymbalum de Gonna Stop Killing nous conduit des deux côtés du Bosphore dans un vague à l'âme touchant (Matt Elliott n'est pas loin). Mais c'est sur Lazy Crossbones que Carla Bozulich se met le plus à nu, laissant parler sa grande sensibilité dans un morceau où l'orgue fait merveille. En adoucissant son propos, sans l'affadir, elle réussit son meilleur morceau, un aller simple direct vers l'émotion et une vérité brute et non factice. Carla Bozulich sait aussi se faire aimer, voilà une bonne nouvelle.