L’enthousiasme à l’idée d’écouter cet album n’a pas été de prime abord délirant. Quelques secondes prises au hasard m’ont incitée à fermer le fichier illico presto, pour m’en retourner tête haute vers ma petite marotte musicale de la semaine, la chanson française de l’entre-deux-guerres, suant l’argot et la crasse des faubourgs. Pas tout à fait le même délire, pour le moins. D’où mon titre, une petite boutade pour trouver un équivalent fréhelien, peut-être légèrement extrapolé, au titre nostalgique de l’album, qui parlerait anyway de murs, et d’une certaine allure musicale en voie d’extinction.
Je n’ai jamais joué à la GameBoy, je n’écoute jamais de techno. Je n’avais pas jusqu’ici entendu de ma vie les termes « dub », «chiptune », et « 8-bits » (j’irai regarder un de ces jours, quoiqu’à l’écoute de cet album, je commence à avoir une idée sur le sujet). De toute manière, les mots anglais télescopés chez nous sont rarement crédibles. En revanche, je suis très sensible aux sons et rythmes de la musique électronique, à leur dislocation, à la façon dont des corps musicaux s’agencent mécaniquement pour produire une synergie dense et rayonnante. Cet album m’a donc séduit instinctivement, dès le premier morceau.
Il m’a plongé dans quantités de souvenirs. D’un type bien particulier, ces veilles passées à terminer un texte. À propos, par exemple, des transformations du paysage rural français, de l’après-guerre à aujourd’hui (exemple sexy, parmi tant d’autres). Il est 1h30, il reste encore environ une heure de travail, il faut s’astreindre, et continuer à écrire. Vite et bien, ne pas perdre de temps, aller se pieuter le plus vite possible. Le texte défile comme une autoroute, l’écriture se fait geste mécanique, et la musique seconde l’effort. Pour continuer, sans cesser aligner mots après mots, j’écoute Steve Reich, Philip Glass, Kraftwerk, et de l’électronique contemporaine bien punchy. Surtout pas de rock ou de pop. Les minutes défilent, j’avance de plus en plus vite, la rapidité de l’écriture en cours m’a toujours procuré un sentiment de joie tenace. Les morceaux, répétitifs, ensorcelants, entraînent de façon ludique vers une conclusion.
C’était mieux en RDA s’écoute dans le même esprit. Un ballet reposant sur la répétition têtue, et la variation d’un même geste. Un bras activant une machine. De façon bien plus métaphorique, cet album m’a fait songer à ce que je trouve chez Bach : un sentiment de mécanique bien précise, de clarté, reposant toutefois sur d’infinies et de complexes variations conférant à l’ensemble une immense cohérence. Les noms des pistes sont à cet égard évocateurs. Sectionner, découper, perforer…. actions violentes sur une matière ici évanescente, titres d’une ironie certaine au vu de l’enchaînement continu des morceaux. Le passage du secteur 1 au secteur 2 est exemplaire : une brève séquence de quinze secondes, qui facilite et accompagne la transition. Tout comme au montage, on peut enrober deux images parfois radicalement différentes d'un même fond sonore, afin d'aider la lecture du spectateur. Bref, je vais persévérer dans cette voie musicale, et affiner l'écoute.
L’album s’écoute sans lassitude, avec joie, on sent même poindre une certaine tristesse quand il se termine. Juste, qu’ils arrêtent de se gargariser de leur nom. Comme s'ils craignaient qu'on les oublie...