Cool Cocoon
7.2
Cool Cocoon

Album de The Spinto Band (2013)

Cool Cocoon est un album aussi insouciant, chargé de bien-être, que les pensées qu’il inspire par son titre et sa photo. Pourquoi alors ce nouvel album de The Spinto Band passe-t-il aussi inaperçu ? Le bonheur n’est pas vendeur semble-t-il, l’époque étant beaucoup plus à la tourmente et au classicisme sombre si l’on en juge par les derniers élus de la presse (My Bloody Valentine, Nick Cave et David Bowie). Dommage, car The Spinto Band a un talent indéniable pour chasser les mauvaises pensées et en insuffler de positives. C’est que Cool Cocoon inocule un virus à qui l’écoute : celui de l’euphorie. Ou comment rendre le bonheur contagieux. Pas évident par les temps qui courent !

Force est de constater qu’en regard des dernières décennies, les groupes phares (*) tels que Radiohead, The Cure, Depeche Mode ont plutôt marqué leur époque par une forme aiguë de mélancolie. Mais à côté de ces mastodontes pourquoi ne pas faire pour une fois un peu de place à la fraîcheur, à l’envie de vivre plutôt qu’à la morgue et à la plainte ! On peut être musicien, artiste, et pas forcément torturé. On peut aussi penser, même dans cette époque troublée et sombre, que la vie est belle à bien des égards, qu’il suffit de regarder du bon côté. En l’occurrence, de celui de The Spinto Band. Ce sont ici de petits riens, microscopiques, qui viennent parasiter joyeusement notre cerveau : surprises rythmiques, claviers mutins, motifs de guitare ou chœurs lorgnant vers les seventies… Le groupe a la pop joueuse, sautillante.

On pourra rétorquer que ce ne sont pas les seuls. Il existe en effet d’autres vertueux défenseurs de ce mouvement pop initié par les Beatles, Weezer et Ash par exemple. Sauf que les saturations créent chez ces derniers une forme de tension en écho à une mélancolie, certes légère, mais pour le coup totalement absente chez le sextet américain. On pourrait aussi évoquer le cas Babybird pour cet amour de la ligne claire instrumentale, mais là encore, le cas est particulier puisque l’anglais Stephen Jones masque des paroles dépressives derrière des mélodies entraînantes et a su aussi user de nombreuses formes de distorsion. Même les talentueux Alt-J, pour les plus récents, n’échappent pas à cette forme de dualité. À bien y regarder (les exemples similaires sont vraiment nombreux), la singularité de The Spinto Band se trouve donc dans cette volonté indéfectible d’assumer la joie pour le simple plaisir de la joie (**). C’est cette ligne directrice, droite comme un i, qui rend le projet si communicatif.

La seule balade de l’album, « Memo », qui scinde l’album en deux (sans doute volontairement) fait en ce sens un peu tache par sa mollesse, son manque d’entrain, le morceau jurant presque avec l’allant naturel des autres compositions. Une réserve bien mince car dans l’ensemble The Spinto Band est parvenu ici à conquérir un graal, celui d’une pop bien faite, propre sur elle, claire comme de l’eau de roche et qui a le pouvoir d’entraîner des foules dans une forme d’allégresse épidémique. Cool Cocoon, c’est une beauté simple, comme un rayon de soleil dans un hiver sans lumière. Ne manque désormais que le plus grand nombre pour entendre leur message épicurien… Aidons-les en accueillant ces chansons formidablement gaies comme il se doit : avec le sourire.


(*) on entend ici par « groupes phares » ceux qui réconcilient public et critique (The Cure pour les eighties, Depeche Mode pour les années 90 et Radiohead depuis les années 2000, grossièrement)

(**) soyons francs, les Wannadies ont pu, dans leur temps, trouver cette énergie résolument positive, tant dans l’instrumentation que dans les paroles. Mais là encore, les fréquentes distorsions canalisaient cette forme de joie immédiate. Idem pour The Go ! Team : chez eux c’est plutôt la débauche d’énergie qui peut se révéler au final un peu éreintante.

Créée

le 3 janv. 2019

Modifiée

le 14 juin 2024

Critique lue 27 fois

François Lam

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