chronique écrite en 2009 :
Dans une récente interview, Dominique A, agacé par la pléthore de groupes folks actuels, disait que l'on confondait tradition et authenticité et que des machines pouvaient se révéler être authentiques et émouvantes. Avec Zéro Degré, ce même sentiment émerge d'une musique éminemment personnelle. Dans ce disque intimiste, s’exprime en creux et avec une fausse froideur, une poésie touchante. Un mot que l’on n’emploie que rarement quand il s’agit de musique électronique. Pourtant tout au long de l’album, celle-ci est bien et bien palpable sur un choix sonore ou dans un texte. « Parfois, par temps de neige, tu penses à moi » répète-t-il sur un lit de guitares irradiant de lumière. Zéro Degré, c'est un peu le jardin secret de Nicolas Tochet, bassiste du trio rock instrumental Mélatonine. Ce projet solo lui permet de s'exprimer en français et avec une guitare. En tout cas, au début car sur cette base de songwriter, Tochet rajoute sa petite préparation personnelle faîte de machines, de programmations, de samples. Le Messin est malin et met en exergue de son album la phrase suivante "plutôt que de recommencer la même chose à chaque fois, pourquoi ne pas un simple copier, coller, de nos gestes, de nos idées, qui de toute façon ne changent pas...". D’un coup d’un seul, il avoue son intérêt pour Diabologum (qui aurait pu écrire une telle formule) pour une faute avouée à moitié pardonnée et il pare aussi le reproche que certains pourront lui faire qualifiant sa musique de répétitive.
C’est d’ailleurs là tout l’art de Zéro Degré, celui de faire tourner des boucles, y rajouter des strates, en enlever, rajouter encore, parasiter une mélodie qui s’installe, éclairer une frise d’un ajout qui rehausse subitement un froid ron-ron. Le travail vaut autant du sculpteur ou du plasticien que du musicien. Quelque part, il propose une nouvelle voie possible d’une chanson française électronica et pointilliste en cousin de Jérôme Minière. Il chante d’ailleurs avec une même voix étouffée. Avec se moyens limités et un spectre étroit, Zéro Degré explore quand même plusieurs directions et fait un album moins homogène qu’il n’y paraît au premier abord. Il faut dire que son statut de solitaire lui permet aussi de s’entourer quand il le désire et donc de tirer le meilleur parti d’amis invités. De fait sa rencontre avec Angil aboutit à The unsung heroes où les univers des deux artistes se fond en un titre poignant de beauté. Chapelier fou apporte son violon déglingué sur le choix pour une musique de chambre au bord du précipice et co-écrit Une boule dans la gorge pour un romantisme fin de siècle. Zéro Degré explore alors des territoires inconnus. Avec Cascadeur, Alone ressemble à du trip hop né dans un grenier au milieu de vieux instruments. Il y a bel et bien là matière à avoir des émotions bien humaines et même charnelles : devant un Tochet triturant en tout sens ses filtres et potards, on se prend même à commencer à bouger en clone de Kraftwerk ou Tarwater (La lie de la société).
Parfois, par temps de neige, je penserai à Zéro degré. Pendant longtemps, c’est sûr…