Desert Island
7.4
Desert Island

Album de Mystic Braves (2014)

Après un premier album brillant, les Mystic Braves se rappellent à notre bon souvenir avec Desert Island, toujours chez Lolipop Records. Au sein de la traque-liste de ce nouvel album, nous retrouvons encore quelques recyclages de premières démos :
"Pain In My Heart", qui n'est pas une reprise d'Otis Redding mais de The Rockers, obscur groupe de garage des années MCMLX, et qui est désormais titrée "There's A Pain", tout comme l'originale.
"Valley Rat", sur laquelle le frère du guitariste chanteur jouait de la trompette, et qui en rejoue ici (ainsi que sur "I Want You Back") et "Like A Walk In The Park (You Make It Easy)" dorénavant titrée "You Take The Dark Out Of Me".
Une session vidéo (HOC Palm Springs) nous avait fait découvrir "Bright Blue Day Haze" et "Born Without A Heart" quelques mois après la sortie de l'album en janvier MMXIII.
Quant à "In The Past", j'espère que tout le monde connaît cette composition de l'excellent groupe We The People dont les Horrors avaient plagié la chanson "My Brother, The Man" pour leur chanson "Count In Fives", et qui apparaissent dans le premier coffret Nuggets avec les titres "You Burn Me Up And Down" et "Mirror Of Our Mind".

Ces deux témoignages d'allégeance au rock des années MCMLX sont renforcés par l'apparition d'un effet bien connu des amateurs de cette musique, la fuzz, et d'un nouveau membre dans l'effectif du groupe et donc d'un nouvel instrument lui aussi emblématique du genre : un orgue électronique.
La pochette est elle-même un bel hommage à l'esthétique psychédélique en vogue dans la fin des années soixante.
La fuzz utilisée par les Mystic Braves, qui apparaît teintée de trémolo sur les deux chansons de la session vidéo évoquée ci-dessus, est à mille lieues de celle en vogue chez les groupes de garage-grunge lofi du moment : c'est une belle et vraie fuzz au germanium, une copie semble-t-il de la fuzzrite de Mosrite.
On trouvait déjà des sons d'orgues électroniques assez discrets sur l'album précédent, ils se bornaient sagement à appuyer l'une des deux guitares où à tapisser le fond. Il n'en va pas de même ici : le jeu est riche, flamboyant et l'instrument est mis bien plus en avant dans le son général, ce qui est assez dommage :
D'une part parce que cet instrument à quelque chose de cliché, on en a soupé avec les groupes de garage revival des années MCMLXXX, l'apport de cet instrument enlève de l'originalité au son du groupe.
D'autre part parce que la virtuosité manifeste de l'organiste empiète sur celle des deux guitaristes, et le son aigu de l'instrument mord sur le lebenstraum sonore des guitares, l'apport de cet instrument ajoute de la confusion au son du groupe.
Il eût été préférable, s'il fallait ajouter un musicien à l'effectif, de prendre mettons un percussionniste ou un glousseur à cruche (confer le 13th Floor).
Tant que nous en sommes aux instruments supplémentaires, intéressons-nous maintenant à la trompette de "Valley Rat" et de "I Want You Back".
Je n'ai jamais aimé la façon dont en jouait sur "Valley Rat", même lorsqu'elle n'était qu'une démo. Le jeu se voudrait morriconesque, mais il pue le jazz et le conservatoire, c'est un peu pus réussi sur "I Want You Back", mais ce n'est pas très convainquant.
Peut-être que les Mystic Braves ont été séduits par les trompettes de mariachis de "Gay Thoughts" des Growlers. Ces derniers s'en tirent bien mieux. La trompette, comme bon nombres d'instruments à vent, est un instrument assez difficile à faire sonner sans que ça évoque les fanfares festives à flonflons ou les cacophonies d'onanistes jazzeux.
D'une manière générale les chansons de Desert Island ont une structure plus simple et moins longue, et un tempo moyen plus élevé que celles du premier album, elles sont paradoxalement moins grisantes et efficaces.
Cette quête quasiment manifeste de regain d'authenticité sixtos et de distanciation vis-à-vis de la beach goth devenue tendance, si elle n'est pas sans noblesse, a un résultat malheureux sur le rendu artistique, qui est finalement moins frais, moins personnel, moins intéressant et enthousiasmant.
L'autre défaut de l'album réside en sa production : celle de l'album précédent était un peu trop axée dans les aigus et l'on avait eu la main un peu lourde sur l'usage de réverbération. Loin d'avoir été rectifiées, ces petites tares du premier disque semblent même avoir été accentuées pour le second.

Par bonheur, l'album demeure bon en dépit de ces peccadilles qui si elles l'entachent, ne font pas disparaître le talent et la grâce évidente de cette formation. La force de ce disque c'est que les qualités naturelles des musiciens compensent leurs choix et leurs partis pris peu judicieux.
On peut remercier les Mystic Braves d'avoir ressorti "You Take The Dark Out Of Me" du tiroir, peu de groupes actuels sont capables de composer des ballades aussi classieuses.
Si la trompette de "Valley Rat" est agaçante, le son de guitare saturé de réverbe est mirifique et rappelle les descentes de corde des Ventures, de Dick Dale ou des Original Surfaris.
Bon son ne saurait mentir, pourrait-on dire.
"Coyote Blood" est encore une chanson chaloupée dont le groupe a le secret, les instants plaintifs laissent la place à des instants plus nerveux, ce que l'on ne pourrait suspecter lorsque l'on entend le début du morceau.
Petite réminiscence de "Cloud 9" et "Vicious Cycle", mais la chanson évoque également "Open Up Your Heart" par son caractère mélancolique.
Le titre homonyme de l'album, "Desert Blood" est aussi une chouette découverte, son riff obsédant et terriblement dansant, son refrain éthéré, ses silences et ses reprises, ses petits phrasés de guitare, tout est bon dans cette chanson. "Desert Blood" rivalise avec "Oh So Fine".
Si la reprise de "In The Past" est surtout agréable pour le clin d’œil et la qualité inhérente à la composition (on sent qu'ils peinent un peu à égaler la célérité du jeu de guitare de l'originale sur le thème principal), la reprise de "There's A Pain" rend honneur à la chanson.
On pense à ce que firent les Allah-Las de "Long Journey", en terme d'amélioration (si, c'est possible) de titres obscurs de garage des années soixante.
"I Want You Back", bien que sympathique avec sa progression d'accords à la "House Of The Rising Sun" et son solo bordélique surf/velvétien fantomatique est loin d'être le meilleur titre de l'album. C'est valable pour "Earthshake" : on a voulu clore le disque par un moment plus libre et déjanté après ces enchaînements de formats pop, mais l'effet n'est pas des plus réussis. Par certains côtés, "Earthshake" ressemble un peu à "Bright Blue Day Haze" en moins réussie, la première clôt moins bien le disque la seconde ne le commence.
La profusion de solos de guitare ne change rien à l'affaire, la fin de "Desert Island" n'égale pas celle du Long Jeu précédent.
Si "Desert Island" est loin de surpasser le premier album, il est tout de même un bon disque riche en moments de grâce, et s'il faut lui rendre justice, ajoutons qu'il se révèle véritablement sur la platine vinyle, les défauts de productions se ressentent beaucoup moins, compensés par la chaleur et le grain du format analogique.

C'est un disque indispensable à la collection de tout aficionado de garage contemporain digne de ce nom, on attend avec impatience la visite de ce groupe dans le vieux continent.
YvesChoisy
8
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le 8 mai 2014

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YvesChoisy

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