S’il est de bon ton de nos jours de dénigrer Ted Nugent en raison de ses prises de position politiques, beaucoup oublient quel guitariste, quel compositeur et quel performeur il a été. Lorsque sort en 1978 ce double live, peu de musiciens sont capables de développer une telle puissance et une telle folie sur scène. Supporté par un groupe réduit au maximum, alors que sa formation accueillit jusqu’à quatre guitaristes sur scène, Ted nous offre un déferlement de riffs communicatifs qui ne laisse aucun moment de répit à l’auditeur. En onze titres, dont trois dépassent les dix minutes, le quatuor nous délivre un set imparable, composé de morceaux déjà incontournables, de reprises et d’inédits, un pari fou qui fonctionne parfaitement.
Le concert démarre par une version déjantée de « Just What The Doctor Ordered », extrait du premier album du groupe. Les guitares sont distordues à l’extrême, avec ce son immédiatement reconnaissable, nous proposant une immersion totale. Suivent les inédits « Yank Me, Crank Me » et « Gonzo », taillés pour la scène, sur lesquels Ted nous assènent des solos imparables, soutenus par une section rythmique carrée et efficace. Courts, incisifs, ces morceaux sont éclipsés par la reprise du « Baby, Please Don't Go » de Big Joe Williams que Ted Nugent avait déjà joué avec The Amboy Dukes. Celle-ci est certainement l’une des meilleures adaptations disponibles, ce qui n’est pas rien étant donné le nombre d’artistes qui se sont emparés de ce titre.
La face B débute par le blues rock « Great White Buffalo » extrait de Tooth, Fang & Claw un album de The Amboy Dukes. Gras, épaissi par rapport à sa version originale, Ted Nugent tire vers ce morceau le hard rock, tout en se permettant des improvisations. Extrait du même album, l’instrumental « Hibernation », étendu sur plus de 14 minutes, donne lieu à des expérimentations à la guitare et des solos plus fous les uns que les autres, ainsi que de nombreux changements de rythmes. Symptomatique d’une époque, il montre tout le talent du guitariste et la cohésion d’un groupe dévolu à son leader.
Le second vinyle ne contient également que deux titres issus du premier album, à savoir le beau « Stormtroopin' » et le groovy « Stranglehold » qui sont de simples prétextes à de longs solos, certainement les plus puissants de l’époque. En effet, ce qui caractérise le son de Ted Nugent, c’est justement cette manière qu’il a de torturer ses cordes, comme s’il les frappait. Guitariste physique, il attaque littéralement ses accords et fait hurler ses guitares plus qu’il ne les fait pleurer.
La quatrième partie de ce double live est ma préférée, question de goûts, car elle propose trois énormes chansons. Tout d’abord la rapide « Wang Dang Sweet Poontang » qui enflamme le public de Nashville, puis l’énorme « Cat Scratch Fever » et son groove inimitable. Tirées du dernier album en date à l’époque, elles deviennent immédiatement des classiques, ce qui n’est pas étonnant. Enfin, « Motor City Madhouse » clôt ces ébats dans une longue version, portant à quatre les extraits du premier album pour le plus grand plaisir des fans. Il faut avouer que le riff de ce morceau est entraînant, tandis que les chœurs claquent avec folie.
Indispensable, ce Double Live Gonzo ! est une pierre angulaire du metal et sans doute un des dix meilleurs enregistrements live des années 1970, tous styles confondus.