On ne s'étonnera pas d'apprendre que le duo norvégien Pjusk compose leur musique dans un vieux chalet des hautes montagnes de leur pays natal. Auteurs depuis 2007 de trois joyaux d'ambient mordu par le froid, Rune Sagevik et Jostein Gjelsvik ont ainsi acquis une solide réputation. Après Sart et Sval, sortis chez 12k, et plus récemment Tele chez Glacial Movements, c’est au tour du label moscovite Dronarivm d’héberger leur nouvelle production, Drowning In The Sky, pour laquelle ils se sont associés à Sleep Orchestra. Christopher Pegg, de son vrai nom, n’a rien de scandinave mais possède une grande affinité pour ces sonorités du Grand nord, comme en témoigne son premier album, Dark Skies, sorti quelques semaines avant. C'est suite aux conseils d'un de ses amis (à qui cet album rend hommage) que l'anglais a découvert la musique de Pjusk et a décidé de les rencontrer. Et au vu de l'excellence de cette collaboration, inutile de préciser que cette rencontre a porté ses fruits.


Drowning In The Sky est, comme ce titre le suggère, un appel à plonger dans des paysages sonores pour mieux s'y noyer. Une incitation qui pourrait s'apparenter au doux chant de montagnes à la blancheur meurtrière qui, telles des sirènes exilées en mer de Barents, nous attireraient dans le brouillard et les précipices qu'elles accueillent. Perdus, nos sens engourdis par le froid, la noyade se fera alors sans douleur et à petit feu pour en savourer chaque instant.


D'ailleurs, les aspérités glitchées semblent aussi diluées dans ces dégradés de gris. Alors que les précédentes expérimentations de Pjusk en regorgeaient, elles se font plus discrètes ici, comme polies par le vent et étouffées par le brouillard. Les sonorités rocailleuses – cette sensation d'entreprendre une expédition spéléologique à chaque écoute – sont également adoucies par cette couche de gel qui les recouvre. Allégées de ces rugosités, il en ressort alors une envie de se lover dans ces crevasses qu'ils esquissent pour en ressentir chaque détail.


Dans cette brume, il sera aussi difficile de distinguer les apports individuels de Pjusk et de Sleep Orchestra, tant l'ensemble est homogène. Et les rares instruments à percer ces nuages seront ceux d'invités : la trompette de Kåre Nymark Jr. et le kyma de Taylor Deupree (qui se charge une nouvelle fois du mastering) sur Skdiv ou le violon de Tomasz Mreńca sur le superbe Rionzemef que Pleq remixe. Il sera aussi délicat de dégager un morceau plutôt qu'un autre dans cette harmonie de près de 57 minutes, même si Aoleeingal, Rionzemef et Vansunbarth sont tout particulièrement sublimes.


Remarquable, l'album ne lâche à aucun instant son emprise envoûtante. Dans son habit de gris, Drowning In The Sky est une ode à la perdition, une invitation à embrasser la beauté froide de ces paysages et à se laisser recouvrir par ce manteau de neige qui nous ravirait toute chaleur.


http://www.swqw.fr/chroniques/drone-ambiant/pjusk-/-sleep-orchestra-drowning-in-the-sky.html

without_sinking
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le 10 sept. 2015

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