Qu'on se le dise ! Des ex-Apse reviennent sous le nom de Eraas. Vous ne connaissiez ni l'un ni l'autre alors plongez dans une musique aux atmosphères sombres mais prenantes, ambient mais rythmée.
La trajectoire du groupe Apse a été pour le moins intéressante. Le groupe a commencé dans une expérimentation post-rock proche de Labradford avant de s'ouvrir à plus de narration, et devenant plus rock, les Américains, devenant l'équivalent voire l'égal de Radiohead ou de Piano Magic. Apse s'était aussi ouvert en accueillant pour Climb en 2009, en son sein deux nouveaux membres, le multi-instrumentiste Jed Amour et le batteur Brandon Collins.
Apse est mort, voici Eraas, symbole d'une nouvelle ère ne voyant que deux rescapés, Robert Toher, et Austin Stawiarz, justement ceux qui en étaient les membres fondateurs. Et si le néo duo revient à l'origine de sa musique, ce post-rock éthéré, il garde néanmoins, quelques éléments grapillés en route. La moitié des titres est ainsi chantée de cette voix de fausset chétive proche de celle de Thom Yorke. Autre point de convergence, l'usage de percussion et d'une batterie, dont la répétitivité hypnotise l'horizon. L'ambiance est ainsi cotonneuse, mais ce fond qui martèle sans cesse crée une dynamique mystique. C'était d'ailleurs l'envie propre d'Eraas par rapport à Apse, pour s'en dissocier et monter un nouveau projet : à savoir , créer des paysages musicaux sombres et mystiques. C'est effectivement le cas, comme sur le premier album de Dead Can Dance par exemple où la new wave trouvait, un regain de force inédite, dans une expression primale. Ici, ce sont At heart, et surtout le final Trinity carrément trippant qui amènent Eraas dans cette ornière. Crescent choisit l'arythmie dans une vraie expression mystique tandis que, sur Ghost et Brian Path, les percussions sont associées à des lignes de basse new wave qui rythment le morceau de manière obsédante et mettent en danger l'auditeur, comme des bêtes traquées.
C'est tout cet aspect musical qui rend original Eraas, le singularisant un peu de Radiohead et créant un miraculeux oxymore qu'on qualifiera par défaut d'"ambiant rythmé". On pourra reprendre l'expression de Festina Lente ("hates toi lentement") a fortiori sur Skinning qui semble sampler piano et bruit de pas tout droit sorti d'une pièce d' Arvo Part. Et dans cette, musique certes brumeuse, les guitares jouent, aussi, le rôle de fusée éclairante (A presence). On peut trouver aussi chaleur et réconfort sur Fang, ses, gimmicks de claviers légers, sa ligne de chant pop et sa basse pourtant mise en avant.
Eraas peut vraiment s'approprier le préfixe"post" : post-new wave, post-pop, post-rock, post-post-punk...les Américains semblent avoir assimilé tous ces genres et d'en faire désormais une fonte plus abstraite et plus diffuse mais non moins intéressante et touchante. Un grand disque pour les fans d'Apse et les autres.