On peut appeler ça de la "musique d'ascenseur", un peu péjorativement bien sûr mais totalement faussement aussi car cela fait longtemps que les ascenseurs sont soit totalement silencieux (exception faîte des grincements de la machinerie) soit pauvrement R'n'B. Or, On Fillmore, formé de Glenn Kotcher batteur de Wilco et du bassiste Darin Grey, n'évoquera aucune des deux tendances. Pour revenir à ce qu'on appelle - et donc avec erreur -"musique d'ascenseur", Fillmore pourra être considéré comme tel car la musique y est calme et instrumentale ; car il y a une contrebasse donnant une coloration jazz à celle-ci et aussi, car l'instrument en tête de pont est ici le vibraphone dont la douce résonance rappellera les grandes heures des interludes de l'ORTF. Donc l'heure est à la quiétude et à un sentiment d'abandon. Les bruits d' oiseaux viennent se faire entendre sur la ballade ouatée *Daydreaming vacation,*sauf que c'est bel et bien une chouette effraie qui se fait le plus entendre puis des animaux inconnus aux cris que le sont tout autant ; preuve que sous les abords de la sérénité, un sentiment de peur vient peu à peut s'immiscer. C'est trop calme pour être honnête et des attaques de contrebasse un peu sèches viennent donner quelques coups de griffes à cette charmante photo. Un étrange Thérémin (attention pléonasme) vient aussi s'en mêler donnant une touche encore plus étrange à la musique (master moon). Et puis il y a en soi ce vibraphone : au début gentillet et désuet mais à force de tourner et tourner encore et de dessiner un monde tout en rondeur, il finit par semer le trouble. On Fillmore a l'intelligence de terminer son album par le meilleur morceau : Clearing out, court dans son déploiement, est emmené par un piano majestueux. On se rapproche là d'Ennio Morricone et de Pascal Comelade, ce qui démontre que le duo Américain est tout sauf aseptisé.