Juste un instantané : un instrumental mélancolique à souhait qui pourrait accompagner des images en noir et blanc de jeunes hommes paumés sur une plage désertée de Rimini. Le morceau s'appelle Cascade et se trouve au beau milieu de deuxième album de Fabio Viscogliosi. Ils sont de plus en plus nombreux les nostalgiques de ce pop-rock italien années 60 avec guitare Gretsch, tremolo de crooner dans la voix, banane, brillantine et costume blanc de bal populaire : Sabo, Kid Francescoli. Mais Viscogliosi, fort d'un passé de Married Monk et surtout de son patrimoine sanguin, avait le premier oser aller chercher dans ces références-là le socle de sa musique. Il n'a pas encore repris Bobby "una une lacrima sul viso " Solo mais a réhabilité dans nos contrées la langue italienne et fait connaître l'oeuvre de Lucio Battisti. Sa passion est à ce point communicative que pour fenomeno, il a réussi à dévergonder Amadeo Pace de Blonde Redhead pour reprendre une nouvelle fois Battisti pour une reprise de Il nostro caro angelo, étrange et pénétrante. Par rapport à Spazio, son précédent album, Viscogliosi a plus peaufiné sa musique, s'entourant de quelques pointures de ses amis (Christian Quermalet, Jean-Michel Pirès, Sonia Zannad et Nicolas Courret) et profitant d'un temps de gestation long pour tisser des atmosphères spleen-esque et carrément cinématographiques. C'est très vrai sur les instrumentaux (Rumbubble, gymnasium), fait parfois de bric et de broque comme dans l'univers de Pascal Comelade, qui permettent de faire des pauses rêveuses entre des chansons qui épanchent leurs sentiments à la mode latine - quitte à agacer un peu - et d'autres plus rêches et plus directes (l'efficace Lago à ranger dans la famille Dominique A.). Hase, quant à lui, nous entraine dans une chaude torpeur pour mieux nous hypnotiser. Viscogliosi nous ouvre pleinement les portes d'un rock par définition initié par les Anglo-saxons mais revu et corrigé par la sensibilité italienne. Originalité et dépaysement garantie.