Broke your promise, broke your word.
Le troisième album de Prefab Sprout est une étape intéressante dans la discographie d'une formation se plaisant toujours à aller en dehors des sentiers battus.
Leur précédent album leur avait offert un tube, "When Loves Break Down", qui fit alors office de porte d'entrée dans le monde des groupes populaires des années 80.
L'accession du groupe à la popularité va entraîner de fortes transformations dans leur style. Et dès le début ce changement est brutal à voir.
"The King of Rock 'n' Roll", morceau d'introduction, est un exemple parfait de pop kitsch à l'image de son clip, où se complaît la pastiche assumée de la pop des années 80. Synthés en vrac, joyeuses harmonies, "la la la" accompagnés de paroles comment dire, étranges ? ("HOT DOG ! JUMPING FROG ! ALBUQUERQUE !"), mais est-ce vraiment un disque de Prefab Sprout ?!
Où sont passés les atmosphères brumeuses et mélancoliques de Steve McQueen ? La voix douce-amère de Paddy McAloon ?
Certes le choc est rude. Mais ce n'est qu'une façade. Le morceau est bel et bien parodique, et, comme toutes les bonnes parodies, excellent en lui-même, en dehors de son statut de parodie.
"The King of Rock 'n' Roll" démontre parfaitement le nouveau Prefab Sprout : désormais paré d'une confiance en soi plus grande, le groupe s'autorise à se défouler un peu, et sort de son introversion sentimentale.
Tout l'album va suivre cette direction : sans perdre son esprit, le groupe continue sa pop 80's teintée d'une certaine mélancolie. Mais il l'entoure cette fois-ci de morceaux plus rythmés, avec une légère dose d'expérimentation, notamment l'apparition d'une blue-eyed soul assez surprenante dans l'abondance de chœurs présents.
L'amélioration se ressent aussi dans les moyens utilisés pour faire l'album : la production est de bien meilleure qualité, et le groupe peut désormais avoir des cordes dans ses morceaux. Un plus indéniable, qui donnera lieu à de magnifiques pièces comme un "Hey Manhattan !" épique. Même le son des synthés parait plus clair, c'est dire.
Tout l'album resplendit d'un calme retrouvé, et même de pur joie par instants. Les hésitations du précédent album semblent s'être évaporées, tout comme la brume qui semblait entourer leurs compositions. Néanmoins, l'esprit du groupe n'est pas parti : l'ironie caractéristique de l'iconoclaste McAloon est bel et bien présent, mais aussi son talent à produire des morceaux touchants d'émotions, tel un "Nancy (Let Your Hair Down for Me)" amoureux et languissant.
Le principal est là : le talent mélodique surnaturel du groupe est toujours autant présent, mais utilisé différemment. "Nightingales", qui bénéficie d'un caméo de Stevie Wonder à l'harmonica, est une longue ballade de fin de journée, lorsque le soleil commence à disparaître. "Cars and Girls" est une pique affectueuse à la mythologie de Bruce Springsteen, tandis que "Knock on Wood" est une ritournelle hypnotique où l'on retrouve la facette sentimentale "dramatique" du groupe.
Toutes ces améliorations ont malgré tout leur défaut : les aficionados du Sprout intimiste se sentiront trahis devant un tel changement, et regretteront la popularisation de leur musique. Pourtant le groupe ne perd pas du tout de son essence, au contraire. Au lieu de tourner en rond, il évolue.
Sous ses apparences plus légères, cet album est bel et bien un autre chef d'œuvre de Prefab Sprout, recherché comme il faut.
La prochaine grande étape sera "Jordan the Comeback", qui sera la merveilleuse synthèse des deux tendances d'un groupe incroyablement riche.