Le passage à l'acte musical d'Innocent X est parti d'un simple hasard : une carte blanche offerte à deux musiciens (Pierre Fruchard, guitariste et Etienne Belhomme, batteur ) en ouverture d'un concert de Marc Ribot. Ce point de départ, acte fondateur impromptu et improvisé, ne peut qu'avoir une incidence durable sur la musique du désormais trio (avec Cédric Leboeuf en deuxième guitariste) ne serait-ce dans sa radicalité et son refus de la facilité. Après un premier Haut/bas qui leur a valu de faire les premières parties de A silver Mt Zion et de The Ex, Innocent X pousse un peu plus loin ses expérimentations et l'essence même de sa musique avec Fugues. Toujours marqué par Sonic Youth (l'abrasif Outremonde), Innocent X décline une musique toujours marquée par la noise et le post-rock mais enrichie par d'autres univers musicaux francophones. Démarche sans doute "imprudente" (dans le sens Bashung du terme), qui rend cet album difficile à aborder mais riche d'un contenu assez inédit.
Innocent X est un trio à la fois resserré sur sa formule de 2 guitares et une batterie mais qui permet à d'autres artistes/musiciens d'y apposer leurs univers. France Cartigny vient amener sa poésie de récitante sur trois fois barbare (moment magique). Quant au poète sonore Anne-James Chaton, à la manière de Rodolphe Burger, il vient énoncer froidement l'intégralité d'un ticket de caisse, dans une vision d'un monde aliénant déjà décrit par les Diabologum et leurs rejetons (un principe qui commence à devenir un peu systématique). Mais les volontés d'ouverture et d'abrogation d'idée de frontière peuvent apparaître moins frontalement, plus indiciellement ; comme sur des passages ambiant où les parties de guitares, à force de circonvolutions peuvent finir par devenir arabisantes. Pas toujours facile fait parfois de pure recherche sonore (le début électronique de Praxis du vide), mais sur la longueur, totalement envoutant.