Mickaël Eveno a.k.a Grems, artiste, graffeur, rappeur avait eu, ces derniers temps, tendance à m'exaspérer lorsqu'à chacune de ses interviews il crachait sur "les jeunes". Les jeunes, cette masse informe qui, selon lui, occupait la plupart de son temps la main dans le slip et le nez dans la coke. Les jeunes n'étaient bons à rien, et seuls les VRAIS artistes tels que lui méritaient de s'intituler ainsi.
Malgré ce petit côté réac, je ne trouvais rien à redire à la musique du garçon dont, je dois bien l'avouer, je suis un grand fan.
Toutefois, en écoutant Green Pisse (ainsi que Freen Pisse, l'EP variante offert gratuitement sur son site), quelque chose m'a frappé : l'album/EP (c'est pas très clair) est largement plus inspiré, décomplexé et hip-hop dans l'attitude que n'importe lequel des projets solos pondus ces dernières années par les fameux jeunes que Grems semble tant détester. Il se dégage de Green/Freen Pisse, la même impression de facilité et de maîtrise que dans un Good Kid M.a.a.d City (Kendrick Lamar), un "The Life of Pablo" (Kanye West) ou encore un "Nero Nemesis" (Booba). Si l'on élargit de le spectre de la comparaison, on peut même rapprocher l'esprit de Green Pisse de celui qui se dégage des travaux récents de Fuzati, ou encore de Teki Latex (ancien TTC désormais patron de l'excellent label Sound Pellegrino). A l'exception de Kendrick, dont le style incroyable ne finit plus d'influencer les rappeurs français et américain, il existe un point commun entre Grems, Kanye, Booba, Fuzati et Teki : ce sont tous des gloires du rap des années 2000, et ils ont tous sortis, entre 2014 et aujourd'hui, des projets de grande qualité. Ils se révèlent d'ailleurs tous largement plus créatifs que la plupart des fameux "jeunes" (comprendre: la nouvelle vague du rap franco/belge obsédés par le son new-yorkais des années 90, mais également la floppée de clones de Young Thug tels que Vald, Hamza, SCH etc) dont parle Grems à longueurs d'interviews.
Plus qu'un bel objet hip-hop, Green Pisse est aussi l'occasion pour Grems de déclarer encore une fois son amour au Rap; en point d'orgue les morceaux "2 mars" (On t'a pas attendu pour faire du cash/on a juste pas envie d'en faire avec du rap/car il nous sauve quand la vie nous fait du mal/ t'as rien compris, tu crois qu'il faut faire du sale) ou encore "Cetruclà" (On va rester subersif, parce qu'à la base le rap est un sujet libre).
Ajoutez à cela quelques bangers comme D'accord, Bruce ou Belzébuth, et vous obtenez l'EP le plus cool de ce début d'année 2016 déjà chargé en grosses sorties dans tous les domaines.
Au final, même si ça me fait mal de l'admettre, les fameux "jeunes" devraient peut être commencer à prêter attention à ce que Papa Grems (37 ans tout de même) a à leur dire.