Georgio a baroudé. Il en a fait du chemin depuis ses 18 ans et ses premiers freestyle, il en a passé des nuits à gratter le papier avec son stylo bic que son meilleur ami (mort du typhus depuis) lui avait donné un soir pluvieux. Il lui avait promis de l'user jusqu'à la dernière goutte d'encre. Il en a passé des nuits sous les ponts à fumer des mégots trouvés sur le bord de la route sinueuse de la vie. Il en a connu des filles bien forcées de se prostituer pour payer les études de leur petit frère asthmatique. Ca l'a fait murir le petit Georgio, ce pinson du bitume comme l'appelait le vieil Ahmed, le premier à croire en son talent. Alors il a écouté son coeur, et il y est allé, au petit bonheur la chance son balluchon sur l'épaule, braver la froidure des matins parisiens où la misère le dispute aux rayons d'argent de l'aube qui dardent à travers la brume. Il n'a pas ménagé sa peine le petit Georgio sur l'autoroute défoncée du... quoi ? Vous avez compris ? Bon je passe à la suite alors.
Plus sérieusement, Héra est un subtil mélange de misérabilisme et de niaiserie saupoudré de culture académique, le tout servi sur des instrus à la Fauve. Ca se la joue rappeur sensible et un peu intello. Quelque part entre un Fuzati qui aurait fait voeu de gentillesse (Dieu l'en préserve) et un Damien Saez euphorique Georgio délivre l'album qu'il aurait du sortir pour ses 30 ans de carrière. On s'attendrait presque à une interview de Michel Drucker pour clore l'album tellement Héra transpire l'envie de bien faire et de se démarquer du paysage rap français actuel. Les punchline Télérama s'enchainent ("Paris est devenu mon désert quand mon coeur saigne", "Je sais pas si j'y crois mais j'aime bien y croire", "Dans le cimetierre de ma jeunesse (A 25 ANS ?!!!!) j'ai laissé des amis des rêves et des promesses" entre autres), et on sent le fantôme de Jacques Brel plâner sur tous les tracks. Héra est pompeux, outrancièrement mélancolique, et vieux avant l'âge. Et pourtant, ce n'est pas un MAUVAIS album. Loin de là. Il y a une véritable idée derrière, une idée assumée et menée jusqu'au bout. Pas à mon goût certes, mais c'est toujours mieux que d'écouter Sneazzy insulter ses rivaux fictifs pendant une demi-heure sur les prods les plus laides de 2016.
Au final, Héra est un album à faire écouter à votre mère, à votre grand mère ou à votre pote fan de Tryo qui croit que le rap c'est uniquement des Noirs et des Arabes illettrés en colère contre le système. Allez, au plaisir Georgio.