Parmi la pléthore d’artistes féminines talentueuses, Shannon Wright occupe une place un peu spéciale. Celle-là, on l’aime beaucoup et même plus et elle nous le rend bien, francophile qu’elle est. Avec Honeybee girls, Shannon Wright sort son album le plus chatoyant, une œuvre douce-amère qui se révèle très personnelle et très classieuse. D’ailleurs, en fin d’album, elle reprend probablement un des titres les plus doux des Smiths, lAsleep. Il y a quelques années, cela peut-être aurait été Handsome devil qui aurait eu les grâces de la belle. N’allez pas croire que Shannon Wright a mis de l’eau dans son vin : certains titres gardent le caractère tempétueux de son auteur, celle que l’on avait comparée à PJ Harvey ou Cat power (Embers in Your eyes). Mais certains morceaux coulent de source avec beauté, magnifiés qu’ils sont par une production à la profondeur inédite et des arrangements recherchés (Tall countryside, Black Rain).
Le caractère vrai de Shannon la préserve de trop de maniérisme et rien ne semble gratuit ou chichiteux : Shannon Wright n’est pas Tori Amos, même si Strings of an epileptic revival. Avec Wright, Il y a souvent un caractère sombre et un peu funèbre dans un piano, un orgue ou un violoncelle nocturne qui contrebalance la rêverie engendrée par la musique (Sympathy on Challen Avenue et Honeybee girls et leur penchant Victorien). On est sans cesse ballôter entre le céleste et funeste. Le clavier (piano, orgue mais aussi Wurlitzer), encore plus que la guitare, est l’instrument–clef du disque. Ce qui donne nécessairement un esprit différent d’une Chan Marshall par exemple. Mais avec Honeybee girls, Shannon l’aventurière explore d’autres terrains : avec Father, elle confronte sa musique à des textures électroniques. Derrière les bips et autres parasitages, le spectre du Père viendra vous hanter longtemps. Décidemment, cet album est impeccable.