C’est à George Bernard Shaw, critique musical de la première moitié du vingtième siècle, que l’on doit la citation « Ne pas être anarchiste à seize ans, c’est manquer de cœur. L’être encore à quarante ans, c’est manquer de jugement ». Si l’on en juge par cet Is This Hyperreal pour le moins contestataire et violent,Alec Empire (trente neuf ans et toutes ses dents), fondateur d’Atari Teenage Riot, n’est pas encore prêt pour la crise de la quarantaine. En tout cas, le fossé de presque quinze ans qui sépare ce nouvel album du dernier (1997) n’a en rien entamé la verve et la rage de leurs débuts.
Ce déluge de décibels a ses raisons : Is This Hyperreal est, de par son propos (antifasciste, antimilitariste, on en passe) et sa musique (un hardcore sombre à tendance électronique), parfaitement inscrit dans une époque pour le moins tourmentée. Et puis l’ensemble dégage une telle puissance, une telle cohésion dans le son, les paroles, qu’il serait difficile de reprocher au combo d’être dans la simple posture anticonformiste : cela fonctionne si bien qu’on ne peut douter un instant de leur foi inébranlable dans ce qu’ils disent et font. Et rien que ça, c’est beau.
Enfin, Atari Teenage Riot n’a pas comme seule vertu de défouler : le trio dévoile toujours des horizons musicaux d’avant-garde, comme ils le faisaient déjà il y a quinze ans. Ici l’alchimie entre métal sauvage et beats machiniques est proprement ébouriffante, comme pouvait l’être en son temps l’indus de Ministry. Plus de guitares, moins de rythmes épileptiques, c’est la formule du nouveau Atari Teenage Riot : le trio a gagné en efficacité ce qu’il a perdu en folie.
Certains leur reprocheront sans doute de s’être assagis (bien que le terme semble hors propos tant leur son envoie du bois), mais leur furie, désormais canalisée, est bien plus propice aux scansions et autres hochements de tête. En d’autres termes Is This Hyperreal est de loin l’album le plus fédérateur que l’on ait entendu en cette première moitié d’année.