C’est à George Bernard Shaw, critique musical de la première moitié du vingtième siècle, que l’on doit la citation « Ne pas être anarchiste à seize ans, c’est manquer de cœur. L’être encore à quarante ans, c’est manquer de jugement ». Si l’on en juge par cet Is This Hyperreal pour le moins contestataire et violent,Alec Empire (trente neuf ans et toutes ses dents), fondateur d’Atari Teenage Riot, n’est pas encore prêt pour la crise de la quarantaine. En tout cas, le fossé de presque quinze ans qui sépare ce nouvel album du dernier (1997) n’a en rien entamé la verve et la rage de leurs débuts.

Ce déluge de décibels a ses raisons : Is This Hyperreal est, de par son propos (antifasciste, antimilitariste, on en passe) et sa musique (un hardcore sombre à tendance électronique), parfaitement inscrit dans une époque pour le moins tourmentée. Et puis l’ensemble dégage une telle puissance, une telle cohésion dans le son, les paroles, qu’il serait difficile de reprocher au combo d’être dans la simple posture anticonformiste : cela fonctionne si bien qu’on ne peut douter un instant de leur foi inébranlable dans ce qu’ils disent et font. Et rien que ça, c’est beau.

Enfin, Atari Teenage Riot n’a pas comme seule vertu de défouler : le trio dévoile toujours des horizons musicaux d’avant-garde, comme ils le faisaient déjà il y a quinze ans. Ici l’alchimie entre métal sauvage et beats machiniques est proprement ébouriffante, comme pouvait l’être en son temps l’indus de Ministry. Plus de guitares, moins de rythmes épileptiques, c’est la formule du nouveau Atari Teenage Riot : le trio a gagné en efficacité ce qu’il a perdu en folie.

Certains leur reprocheront sans doute de s’être assagis (bien que le terme semble hors propos tant leur son envoie du bois), mais leur furie, désormais canalisée, est bien plus propice aux scansions et autres hochements de tête. En d’autres termes Is This Hyperreal est de loin l’album le plus fédérateur que l’on ait entendu en cette première moitié d’année.

Francois-Corda
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes (ré)écouté en 2021, Les meilleurs albums de 2011 et Magik CDtek

Créée

le 17 sept. 2018

Modifiée

le 11 juin 2024

Critique lue 89 fois

François Lam

Écrit par

Critique lue 89 fois

Du même critique

Civil War
Francois-Corda
5

Critique de Civil War par François Lam

En interview dans le numéro d’avril de Mad Movies, Alex Garland se réclame d’un cinéma adulte qui ne donnerait pas toutes les clés de compréhension aux spectateurs, à l’instar du récent Anatomie...

le 21 avr. 2024

5 j'aime

Les Chambres rouges
Francois-Corda
4

Les siestes blanches

La salle de procès qui introduit Les Chambres rouges est d'un blanc immaculé et incarne aussi bien l'inoffensivité de son propos que le vide existentiel qui traverse son héroïne Kelly-Anne. On ne...

le 24 janv. 2024

5 j'aime

2

The Telemarketers
Francois-Corda
8

My name is Patrick J. Pespas

Les frères Safdie, producteurs de The Telemarketers, ont trouvé dans Patrick J. Pespas l'alter ego parfait de leurs personnages aussi décalés qu'attachants créés dans leurs longs métrages de fiction...

le 3 nov. 2023

4 j'aime