Pour une fois, commençons par la fin et par un titre qui laisse sans voix. Une basse suspendue, un riff de guitare simple mais joué comme si une vie en dépendait - beau comme du Otis Redding - , une voix qui vient du plus profond et une fin toutes guitares en furie qui ressemble au passage du cyclone Katarina. Le morceau est un must et s'appelle Hovering machine et le groupe qui le joue, Jil is Lucky. Derrière ce patronyme, se cache Jil, frère du désormais célèbre Bensé. Autant ce dernier semble s'être lui-même cantonné à un micro-registre musical (folk guillerette en français), autant avec Jil, c'est l'ouverture tout azimut. L'originalité n'a touché qu'un membre de la famille et je vous laisse dévinez lequel. La pochette - Jil entouré de ces musiciens, sortes de Biomen des religions - pouvait laisser présager un album haut en couleur et c'est le cas. Dans un monde où tous les artistes folk ou pop ont parfois tendance à se ressembler -aussi bon soient-ils-, Jil is Lucky fait figure d'ovni. Par sa thématique forte qui traite sur trois titres des trois religions monothéistes (chacune en prend pour son grade) que par son cocktail de genre, d'influences aussi original que jouissif.
Le groupe arrive toujours avec malice à détourner le côté déjà vu : I may be late commence à s'y méprendre comme un titre de The Do (At last), avant de partir sur autre chose et donc un rock sudiste de bon aloi. When I'm alone ressemble à un histoire à la Herman Düne mais il y a un côté cool, ambiance folk sous les cocotiers qui diffère largement de la musique des frères barbus. Le début de l'album évoquera, lui, le solaire Joe Jackson mais une tripotée de cuivres vient emballer la musique dans une énergie débridée. Cette folie intrinsèque parcoure tout l'album : le pépère without you - à la torpeur rock sudiste là aussi - met le turbo en fin de parcours. Et puis, il y a quelques ingrédients ethniques que le groupe use sans abuser et qui justifie la pochette et les couvre-chefs des super-héros : du djembe très épisodique mais donnant un supplément d'épice à la ballade The Wanderer et surtout un violon et un esprit Juif de l'Est distillant une humeur festive et mélancolique sur pratiquement tout l'album. Bref, il y a Hovering machine mais pas que ! Cette fraîcheur, cette joie de vivre, cette naïveté (auraient-ils la volonté de réconcilier les intégristes de différentes religions ?) fait chaud au coeur. Avec Jil is Lucky, The Audience is lucky.