KOMPROMAT de I Like Trains et Le Silence Ou Tout Comme de Dominique A auront été à ce jour les meilleurs compagnons de route de cette année 2020. Le premier pour son aspect teigneux, sorte de pendant électronisé des efforts un peu décevants de Idles et Fontaines DC : les anglais saisissent avec KOMPROMAT l’air d’un temps saturé par l’indigence intellectuelle en le combattant avec une énergie vénéneuse. Dominique A aura de son côté justifié à lui-seul l’existence de ces « fameuses » chansons de confinement, pour la plupart dégoulinantes d’une bonne conscience opportuniste.
Submergés par les commentaires de tous bords, une parole politique obscure, la meilleure chose que l’on ait pu entendre en ces mois de confinement dur du premier trimestre 2020 furent les murmures perdus de Dominique A, enrobés d’un minimalisme électronique brumeux. Parfaite synthèse de cet oxymore météorologico-psychologique enduré pendant deux mois (devoir resté enfermé chez soi alors qu’un soleil précoce nous narguait avec insolence), Le Silence Ou Tout Comme faisait (et fait toujours) l’effet d’une caresse que l’on recevrait avant son dernier souffle. L’apaisement que procure ce court EP, c’est une flammèche au cœur de l’obscure confusion qui règne, encore aujourd’hui, autour de notre présent et de notre futur.
Il est à noter que le chanteur français n’a pu prolonger le miracle avec Vie Etrange, victime, lui aussi, d’un déconfinement aux espoirs troubles et finalement troublés par un deuxième confinement mou. Il faut dire qu’il était certainement impossible de trouver un équilibre, ni même un prolongement, entre les chansons sans âge de l’EP et d’autres porteuses d’un état d’esprit résolument différent, tant dans la réalisation (une guitare sèche brillante s’invite) que dans le chant, plus affirmé. A ce titre, les quelques chansons éclairées de Vie Etrange font presque office d’offenses à la beauté ébranlée du Silence Ou Tout Comme, et bouleversent la douce sensation de glissement qui s’emparent de nous lorsque l’on jouit de de la nudité triste des autres compositions.
KOMPROMAT, au contraire, sollicite la rage accumulée pendant ces mois où la distorsion de la réalité a été poussée à l’extrême. Les guitares crient, débordent, comme des saignées pour sortir un poison d’un corps corrompu. Et il y a cette rythmique d’acier, ces synthés froids qui nous renvoient vers un monde dystopique gris, à l’avenir bouché, sans possibilité de dévier d’un iota d’un destin funeste. Le chant/parlé atone de Dave Martin est celui d’un prédicateur annonçant une apocalypse aussi sale que pernicieuse. Et en même temps, ce sont aussi les intonations et les mélodies d’un groupe qui invite à la défiance et au combat. KOMPROMAT, c’est un dernier baroud (doigt ?) d’honneur face à l’anéantissement d’une société en mort cérébrale.
Deux disques comme deux revers d’une même pièce donc, celle d’un dépit qui couve une colère froide. En cela ils sont la bande originale parfaite d’une année sur laquelle a flotté une odeur de mort et de peur, mais qui a pu, par moments, se révéler comme le terreau d’une forme de recueillement et de réflexion.