Contagion
Des instrus nerveuses, qui cognent comme un boxeur. Des lyrics punk et crasseux. Le rap de la Gale transpire la révolte, l'alcool et la colère. Attention : hargne contagieuse.
Par
le 12 oct. 2015
La Gale est donc un groupe de rap suisse (je ne vous ferais pas l'offense d'un jeu de mots à base de gruyère), emmené par la charismatique Karine Guignard - Punk MC de son état -, qui reprend à son compte le nom de cette épidermique épidémie. Ca tombe bien, La Gale délivre un rap à fleur de peau. Flow païen sur une déferlante de lyrics viraux. Si le style est unique, on ne pourra pas s'empêcher de comparer La Gale à Casey, ne serait-ce que dans la forme (débit à géométrie variable, vocabulaire "écorché/lettré"...) ou aux lascars de La Rumeur. On retrouve un peu l'empreinte du posse hexagonal, qui a offert à la Suissesse une certaine exposition underground (l'antinomie c'est mon dada), notamment dans la construction des thèmes abordés.
Ok le titre de la critique est carrément réducteur, mais c'est vraiment le genre d'effet dont le disque est truffé et qui retiennent l'attention à la première écoute. C'est un peu la devanture. J'irai même plus loin, en affirmant qu'ils prennent la créativité musicale en otage. Constat plutôt décevant dans la mesure où les instru sont de qualité. Rap crasseux dans un écrin trop clean et confiné, on entasse pas quinze homeless dans un lit à baldaquins. Il s'agit néanmoins d'un choix délibéré, et non la résultante d'une production envahissante, puisqu'on a affaire à un financement indé. Chacun appréciera la justesse de la chose.
Reste que les sons claquent pas mal. A vrai dire, outre ce déficit de fantaisie un peu frustrant c'est un quasi sans faute. Avec "Trop de temps", on démarre sur trois accords vintage qu'on pourrait aisément attribuer aux Goblin, le restant du morceau confirme la veine synthétique. Les textes nous immergent illico dans les songes et le ressenti de Miss Guignard, qui portent d'entrée (haha) sur un puzzle générationnel. La réflexion au détriment des agissements, les rejetons d'un modèle économique qui les exhorte à s'enliser dans l'attentisme. Le sujet est original, l'écriture subtile. S'ensuit "Tes balafres", sorte d'ego-trip pamphlétaire à l'encontre du HH dans sa grande largeur. Là encore l'héritage électronique est tatoué dans la partition, mais le tempo s'inscrit nettement plus dans la mouvance rap. "Passe ton Chemin, fais ta vie" rejoint un peu le postulat de la première piste, mais s'attarde davantage sur les aléas de l'existence et adopte une perspective plus intime. Touches de clavecin 8-bit sur ligne de basse bontempi, et toujours ces foutus handclaps en métronome. On évoque les blessures palestiniennes sur "Frontières", vocalises orientales de rigueur. Retour au chiptune pour "Quand la Justice...", à propos de l'institution, sa partialité et ses malheureux forfaits. Pour le coup je suis moins fan. Même si elle considère n'avoir de leçons à recevoir de personne, La Gale flirte ici allègrement avec le misérabilisme. L'instru minimaliste ne restera pas non plus dans les mémoires. Pour la suite du programme, featuring de trois compatriotes (Obaké, Abstral, Rynox) sur "Fantômes Froids V2.0". Premières notes cristallines, tout droit issues d'un skeud de ELO, rapidement englouties sous un épais manteau d'aspérités auditives, puis le premier des MCs s'élance dans un marathon de métaphores à la lisière du surréalisme. Titre marquant, perché, qui n'est pas sans rappeler l'excellent album éponyme de Gravité Zéro. "On mate sur les côtés", c'est "le son des crevards/des fennecs, des renards/des loups, des hyènes et des charognards", refrain qui traduit le fond du discours à défaut de mettre en lumière la finesse de l'écriture. Anecdotique, cela dit. Et je finirais sur "Comptez vos morts", titre promotionnel du disque. C'est ce qu'on qualifierait de killer tune chez les majors, grâce à une mélodie ultra accrocheuse. Je ne lui reprocherais pas, car elle se pare de quelques variations afin d'éviter toute lassitude, et au final ça fout le feu au lac ! Elle se glisse dans les synapses pour ne plus en réchapper. Ce titre fait office de poil à gratter flashouille, il eut mérité de clore l'album, deux pistes crasses viennent hélas s'ajouter à l'ensemble.
S'il on excepte la présence de ces deux raps-à-l'eau en fin de tracklist, La Gale s'impose comme le meilleur premier album de la galaxie HH depuis bien longtemps. La sclérose généralisée du rap français n'a semble-t-il pas contaminé nos voisins Suisses, et La Gale se fait l'ambassadeur impérial de cette hygiène musicale préservée. Bilan positif pour ce premier jet, donc, et quelques bémols ici et là. Impatient de toucher au prochain LP, que j'espère pandémique.
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Créée
le 7 févr. 2013
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8 j'aime
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