C'est le sentiment qui reste après l'écoute des 13 pistes.
Alors, là, dit comme ça, on dirait que je l'ai en travers de la gorge. En fait non, l'album est dans l'ensemble bon, c'est dense et cohérent, on est pile dans ce qu'on pouvait s'attendre de Guerilla Poubelle version 2017, avec Paul à la batterie, Till à la gratte (comme sur le précédent opus Amor Fati) et Antho à la basse (dont c'est le premier album estampillé GxP).
C'est ce dernier qui apporte vraiment sa patte, avec ses choeurs et plusieurs mélodies assez nouvelles pour Guerilla (Une bouteille à la mer par exemple) qui rappellent directement ce qu'on trouve chez Mauvaise Pioche, son projet quasi-solo.
Le ressenti qui m'est resté après les premières écoutes est que La Nausée s'inscrit directement comme une suite d'Amor Fati. Que ce soit dans l'instrumental ou dans les paroles, on marche sur des setiers qui nous semblent déjà familiers. Encore, ça, c'est pas forcément une mauvaise nouvelle, mais le fait est que trop peu de chansons nous interpellent, et ce malgré leur court format (120 secondes en moyenne) et une efficacité propre au trio. Ca me donne malheureusement l'impression d'écouter des b-sides d'Amor Fati et d'Inferno, pas mauvaises pour autant, mais pas assez bonnes pour être endisquées. Le tout est un peu plus explicitement politisé ceci dit.
Ceux qui ne sont rien en est un exemple. On retrouve ces quelques gimmicks rythmiques déjà entendus chez Guerilla (la guitare seule qui, avec un accord martelé, relance un couplet ou un pont) J'ai l'impression qu'ils étaient hyper fiers de la phrase
Et n'oublie pas que dans nos gares, on chante nos syndicats
et qu'on a brodé un titre autour. Même remarque pour Identité rigide et son final à base de "Woo hoo". Même remarque pour Peine de vie, qui possède un enchainement d'accord et un son vraiment noirs (avec ce larsène en fond), mais j'arrive pas à comprendre où le titre veut en venir, il manque un truc.
Des choix formels plutôt convenus viennent plomber la qualité des titres.
Vous ajoutez à ça le choix (assez étonnant mais compréhensible) de ne pas du tout communiquer "officiellement" sur l'album, d'annoncer sa sortie et sa release party 7 jours avant l'échéance, le fait que l'album a été composé dans l'urgence (en une grosse semaine), un processus créatif très court-termiste, on peut trouver des explications à ce côté un peu "bâclé" (ok, le mot est fort).
Ca m'emmerde de faire ce constat, mais les textes de Till sont anormalement pas terribles ici et là. Chez Guerilla Poubelle, on a toujours des paroles sombres, de la punchline pleine de dépression, et une capacité à faire ressentir un mal-être toujours croissant malgré une trentaine bien claquée. Pour avoir autant de réussite, ça nécessite de décrire certains sentiments quitte à frôler une certaine évidence, sous peine de sombrer dans le cliché ou le texte émo de bas-étage. Et malheureusement on commence à tomber vers le mauvais côté de la barricade sur cet album.
Les exemples les plus criants sont à mon sens Plus je connais les hommes, Morts trop jeunes et En Marche !.
Ce titre est selon moi assez symptomatique du reste de l'album : un tas de choses qui vont bien, des bonnes idées (ces choeurs qui se supperposent sur la fin : <3) mais un résultat passable, la faute à des textes vraiment pas subtils. On dirait Les Sales Majestés bordel, et c'est pas un compliment.
De la même manière, le schéma de Les fils et les filles... est discutable. Au delà du questionnement politique (appropriation d'un slogan féministe par des mecs etc.), la structure en "Nous sommes X, nous sommes Y" est franchement redondante et facile.
J'ai été globalement négatif sur cette chronique, donc pour contrebalancer, je rappelle que Le pour et le contre, L'amour est un chien de l'enfer, Golgotha, Je ne possède que mon corps, Les fils et les filles... et En marche ! sont quand même des gros titres au potentiel live conséquent, que l'album s'écoute très bien, qu'il n'y a pas de superflu sur ces 25 minutes, et que la démarche du trio est toujours saine et politiquement nécessaire.
Effectivement, Guerilla Poubelle n'est pas un groupe militant dont on attend ni un positionnement carré et détaillé, ni de ressortir le meilleur album du monde tous les 2 ans, mais simplement des types qui, après 900 concerts au compteur et un activisme DIY irréprochable, en ont marre de voir des beaufs dans leurs concerts et d'entendre que des meufs se prennent des mains au cul dans les pogos. Il en ressort un album subitement politisé, très spontané, rapide et dense. Le skeud a ses défauts mais reste et restera initiateur pour des tas de néophytes et d'ados qui découvrent le punk-rock et d'éventuelles causes politiques en concert, et est et sera un bon disque de punk-rock français parmi d'autres.
Source :
http://www.radioneo.org/fr/podcasts/view/693/guerilla-poubelle