Le premier passage sur disque, déjà assez délicat pour un groupe classique, est ici multiplié par la nature même des Crane Angels. Le défi consistant à faire bien sonner sur disque des chansons qui fonctionnaient déjà parfaitement à onze ou treize sur scène (les tubes Easy Take et Messenger en tête). Et la volonté de garder une patine lo-fi sur la musique, mariage incestueux de la folk crado des années 90 et de la sunshine pop des Beach Boys, n'aide pas à faciliter la tâche de Cyril Gachet, producteur de l'album.
Un résultat pas très propre, brut, mais voulu. Une production laissant paradoxalement les envolées polyphoniques en retrait sur les chansons les plus épiques (la grandiloquente et magnifique Attila surtout mais aussi Cranes et Looking For). Des fois, les chœurs s'emballent et l'impression d'entendre des cris de transe plutôt que des chants nous prend au cœur, nous poussant à nous poser des questions sur la santé mentale ou la ferveur religieuse de ces anges-là. Dans les chansons les plus pop (In The Snow, Give Me Time), tout semble partir dans un joyeux bordel généralisé qui aurait sûrement perdu en spontanéité ce qu'il aurait pu gagner en clarté. Du coup, ce sont les chansons calmes (Morning Sun, Queen Of The Night) ou celles avec un soliste (5 Years, The World) qui fonctionnent le mieux sur le disque, toutes plus belles les unes que les autres.
Le disque ne manque sûrement pas de cohérence, comme ils le craignaient, sûrement pas d'application non plus mais il y a un petit quelque chose d'indéfinissable qui surprend. Peut-être que la modestie naturelle du groupe a joué sur l'ambition du disque que l'on attendait plus grandiose. Faire un album intimiste à treize, c'est finalement là, la véritable surprise du Sylphide de Brighton.
Pour les curieux, une interview est disponible en suivant le lien plus bas.