On pouvait sans douter mais Karkwa est dans une position médiane entre une culture musicale anglo-saxonne et une filiation plus typiquement francophone. Karkwa est québécois...CDFD. Ce qui aurait pu apparaître comme un cul entre 2 chaises et au final un non-choix fait toute l'originalité de Karkwa. Les Montréalais emmenés par Louis-Jean Cormier deviennent un des plus crédibles suiveurs de Radiohead référence évidente mais pas écrasante. Les climats sont là, sombres et complexes, avec cet équilibre bancal (et touchant car bancal) entre des pianos électriques en mode mineur, des guitares chercheuses, des batteries à contretemps et des lignes de chant clair-obscur. Pourtant, l'usage du français couplé avec l'accent québécois (on a plus l'habitude de l'entendre chez Robert Charlebois) donne un rythme particulier à la musique. Et on redécouvre même d'autres aspects essentiels chez Radiohead qui nous avaient échappé. Karkwa, révélateur, pourquoi pas ?
Mais les Canadiens arrivent à se détacher de leurs modèles ; les structures à tiroir, le soin apporté aux sons et aux arrangements, tout sauf primaire chez eux comme chez les Anglais garantissent au groupe de trouver une place qui lui est propre (Les froids fonds modernise les cultes Harmonium). En clair, un groupe qui reprendrait le dispositif minimal de White Stripes aurait plus de chance de paraître plagiaire que celui qui s'attaque aux champs des possibles proposés par Radiohead. Et puis pas sûr que la bande à Thom Yorke aurait martelé sa rythmique de piano comme ça (La fuite). A fortiori, un titre comme Pili-Pili, blues folk roublard ne peut appartenir qu'à un groupe typiquement québécois (pas le morceau le plus excitant d'ailleurs...). Et puis, on est tout surpris de retrouver notre icone déjantée, Brigitte Fontaine, le temps d'un Red Light, sorte de virée sur une autoroute menant de Boston (patrie de Pixies) vers la Californie. Le Québec vous envoie là un des ses meilleurs messagers.