Santi White, de son nom de scène Santigold, cultive son jardin sur les toits des tours de l’industrie musicale. Même si elle s’en défend grâce à un plaidoyer aux contours léonins, force est de constater que sa musique est imbriquée dans les linéaments de la machine rodée et dévoreuse. Son parcours professionnel l’atteste amplement, allant jusqu’à même affecter son premier pseudonyme. L’estampillage « indépendant » qui est collé à son œuvre est donc à revoir (tâche à nous de ne pas faire de comparaisons trop hâtives, comme le dirait la principale intéressée). Toutefois, le travail fourni et la recherche artistique, savant cocktail de styles, d’influences et d’origines laisse à penser au jardin secret de l’Américaine. Un arc-en-ciel naît au-dessus des gratte-ciels, sous l’impulsion rythmée de Master of My Make-Believe.
L’album est d’abord le temps d’apprécier la voix de la productrice/chanteuse/compositrice/rappeuse. Omniprésente, elle dirige l’orchestration et donne le ton. Ironique, énergique, haletante, brûlante. Nos oreilles ne peuvent y échapper : la voix les secoue de temps à autre, les caresse souvent. La musique convient parfaitement aux élocutions de la chanteuse, au point même qu’elle en devienne idoine. Autre élément ubiquiste : la rythmique, qui apparaît comme un point fort de cet album. Sophistiqués sans jamais tomber dans des élans invasifs, les éléments rythmiques portent les morceaux dans des polyrythmies taillés sur mesure. A savoir, syncopés et joyeusement périlleux. (La comparaison avec M.I.A est quand même criante, mais abstenons-nous…). L’arc-en-ciel prend ainsi sa forme dénudée, mélange équilibré articulant rythme et voix. Mais l’arc-en-ciel relie aussi les contrées. Celui-ci en particulier associe styles et influences dans sous ses lignes colorées.
Master of My Make-Believe est en effet l’occasion pour Santigold d’entremêler ses multiples amours musicales. Hétéroclite, l’arc-en-ciel nous invite à réunir des influences nombreuses. « Pirate in the Water », hymne dub remis au goût du jour, côtoie un futuriste morceau rappé, « Look At These Hoes ». La diplômée d’études afro-américaines rend hommage à ses origines en incorporant de nombreux rythmes africains, les liant à des accents pop (« Fame ») ou trip-hop (« The Riot’s Gone »). Naturellement, le LP comporte son tube planétaire, « Disparate Youth » (il ne faudrait pas se perdre en oubliant de vendre, n’est-ce pas ?), qui répond davantage à une logique de rock alternatif.
Ainsi, l’arc-en-ciel réunit les contrées. L’hybride résultat est rayonnant et plein d’un charme disséminé ça et là le long d’un album diversifié et divertissant. La performance de la chanteuse est réelle : menant la barque, elle entraîne derrière elle bon nombre de couleurs qui, à coup sûr, ont inondé tant les toits industriels mégalopolitains que le monde de la musicalité.

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le 6 juil. 2018

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