En 2005, le post rock est déjà un genre quelque peu moribond. Ses détracteurs se frottent les mains en se gaussant (à juste titre) d'une formule très convenue (minimalisme grisâtre et montagnes russes aussi prévisibles que celles de la Foire du Trône); et ses admirateurs peuvent légitimement déplorer le ronronnement dans lequel s'installent certains ténors, Mono et Explosions In The Sky en tête.
Les français de Porcelain, en bons météorologistes normands, ont su laisser passer l'averse et se sont sagement reposés après le superbe (et déprimant) I've Got A Really Important Thing To Do Right Now But I Can't Do It Because I'm Asleep. Déjà à l'époque, François Barriet et consort avaient quelque peu déjoué certaines règles un peu poussives du style en laissant une belle place à la voix, et en proposant des formats de chansons plus courts.
C'est donc assez naturellement que Porcelain revient 3 ans plus tard avec ce Me And My Famous Lover, qui n'a finalement plus grand chose à voir avec du post rock traditionnel. L'ambiance est moins sombre qu'auparavant et le groupe construit à nouveau un univers cohérent que retransmet parfaitement l'artwork : un léger halo de lumière au sein d'une obscurité plutôt oppressante.
Délibérément séparé en une face A et une face B, Me And My Famous Lover touche avant tout par son ambiance chaleureuse et par la maîtrise parfaite de sa playlist.
La première partie se déroule autour de titres assez directs, où la voix et la section rythmique jouent un rôle primordial. Ici le delay et autres effets de rigueur chez le post rocker ne sont plus le moteur diesel des guitares (finalement peu représentées, au profit de claviers omniprésents), mais appliqués à la voix, ce qui donne une couleur tout à fait particulière à certaines compositions ("Encore", "Adelaide", "My Shame", "Elegy", "Erase Me"). Quant au duo basse-batterie, ultra sobre, minimal mais millimétré (le batteur a d'ailleurs changé entre-temps), il est clairement la clé de voûte de cette première partie épurée, presque figée entre ciel et terre.
La seconde partie, beaucoup plus progressive, voire expérimentale, prend plus son temps. "Good Morning Rock Star" est une véritable boule de nerfs, qui explose de tous les côtés après une tension limite insoutenable (distorsions dégueulasses, mais rythmique de plomb). Et quand ça pète, c'est une libération totale. "My Shame", toujours sous tension, est lourd comme de la terre trempée après l'averse, mais exhale des senteurs nocturnes post orageuses bienfaisantes.
Le titre éponyme laisse croire au repos éternel (et s'étend d'ailleurs un peu trop sur quelques notes de piano atones) avant qu'une véritable décharge électrique déboule sur le très beau "Erase Me". Elle en est d'autant plus marquante qu'elle ne dure qu'une minute, pour ensuite s'achever sur un climat pour le moins angoissant. Nuit noire, en définitive.