Pourquoi avoir noté 10 ? Pour le seul Media vita.
Cette œuvre est proprement sublime, comme l’interprétation qu’en donne Martin Baker à la tête du chœur de la cathédrale de Westminster. Si je ne suis d’ordinaire pas un adepte des tempos lents dans la musique sacrée de la Renaissance, force est pour moi de reconnaître qu’ici le chef, en signant l’interprétation la plus longue (et de loin) de la maigre discographie de ce divin opus, a fait le meilleur choix possible. Les effectifs du chœur sont un peu trop fournis, mais les voix sont magnifiques, et ce disque constitue pour moi un témoignage supplémentaire du caractère irremplaçable des garçons dans la musique sacrée. Quelle meilleure incarnation de la nature éphémère de la vie, au cœur de cette œuvre de Sheppard, que la beauté éphémère de leur voix, bientôt emportée par cette mort symbolique qu’est la mue ?
S’agissant de l’analyse de l’œuvre, je ne vais pas m’amuser à paraphraser en beaucoup moins bien le texte de présentation du livret, signé par un spécialiste de ce répertoire (Jeremy Summerly), que l’on pourra consulter sur le site Web de l’éditeur Hyperion. Je me contenterai d’évoquer la grande sensualité de cette pièce, avec ses multiples dissonances fugaces, le surgissement inattendu du plain-chant (par ailleurs bien dissimulé au sein d’une dense polyphonie), ou encore ces longues flèches des sopranos, comme jetées dans l’espace, m’évoquant celles, bien postérieures, du Da pacem, Domine d’Arvo Pärt…
Difficile, en tout cas, après un tel chef-d’œuvre, de ceux que l’on souhaiterait entendre au moment de s’éteindre, de passer à la suite de cet album. Je me suis tout de même forcé à le faire, trois fois. Mais c’est sans cesse au merveilleux Media vita que je reviens, pour ensuite ne plus rien écouter que ce soit.