Cela faisait sept ans que Call Me Loretta n’avait pas sorti d’albums. Ils reviennent comme au premier jour, en éternels fans de noise-rock, entre tension et mélodie. Le groupe est né au début des années 2000 et a trouvé en Dead Bees records la structure adéquate pour produire sa musique. Après un réussi Crosswind (2004), revoilà ces Toulousains que l’on n’espérait plus, avec un nouvel disque produit au même endroit (Studio Amarita à Biarritz) avec le même producteur (Stephan Krieger) et le même genre de pochette faite d’un dessin en Noir et Blanc (l’oeuvre pourtant d’une nouvelle artiste, Anna Venezia). Call me Loretta est un groupe pour le moins fidèle et cela se vérifie encore plus : la sève de leur musique est identique, comme si le groupe avait été préservé de toute tentation extérieure de se mettre à l’électro, de débrancher tout le matos en devenant acoustique, de bradant leur personnalité en faisant un rock plus linéaire ou de se mettre à un français plus porteur dans les médias. Tels des éternels adolescents, Call me Loretta reste fidèle à ses tourments de jeunesse et son amour des guitares accrocheuses mais dissonantes, à ses structures anguleuses, à ses tensions larvées, le tout unifié par un fil mélodique. Vous l’avez compris, les Toulousains sont fans de la noise-rock des années 90, de Sonic Youth à Hole en passant par les Breeders et Throwing Muses, si on veut résumer et faire large. Call me Loretta a la chance d’être un groupe mixte avec une chanteuse-guitariste au timbre doux, calme et pour tout dire pop, contrebalançant ainsi avec les guitares dégoulinantes et noise que le groupe se plaît à propager dans sa musique.
Stéphanie est d’ailleurs accompagnée parfois par Sébastien dont la voix parlée ou en voix de tête traduit plutôt l’urgence rock et le désordre émotionnel. Call me Loretta, c’est la rencontre de ces deux énergies, une positive, cristalline, constructive et mélodique et une autre torturée, déstructurée et dissonante avec au milieu, comme lieu de tension, la musique elle-même. Parfois direct (Summer rain, wortleberry), parfois tournoyant autour de sa cible pour mieux fondre dessus (Tears of a pioneer girl), parfois même émouvant (la mélancolie diffuse de Sunday Games), Mountains and rivers between us est un album plus tenu que son prédécesseur, le groupe restant toujours à flot pour ne pas tomber dans la dérive sonique ou la structure trop alambiquée. La violence et l’agressivité ne sont jamais gratuites et le passage d’un son clair à une saturation arrive comme une évidence dans la vie tumultueuse même du morceau (Revenge of the nerds ; each dawn I die). Le disque, pas si facile à suivre (Call me Loretta n’est pas amateur de lignes droites) est donc un bon album de rock mais avec le traitement idoine pour faire entrer ces morceaux dans un monde d’à peu près, plus sauvage et plus dérangé. Le fait n’est pas nouveau et les groupes précédemment cités sont parvenus à mettre en musique cette ambivalence. Mais la qualité de Call me Loretta réside dans cette faculté qu’à le groupe à remettre le couvert sans que cela paraisse inutile ou inapproprié. On prend du plaisir tout simplement, sentiment bien évident pour une musique qui ne l’est pas toujours. Un bon disque qui ravira les nostalgiques de noise rock 90′s et séduira tous les amateurs – adolescents ou non – de rock exigeant.