Ombres portées
Violoncelliste canadienne de renom, ces dernières années ont vu Julia Kent multiplier les collaborations. Au sein notamment d'Antony & the Johnsons, Rasputina et Parallel 41, ou plus récemment,...
le 28 oct. 2015
5 j'aime
Inauguré l’année dernière, le très jeune label grec Holotype Editions aime la prise de risques : en privilégiant le pressage au format vinyle uniquement, et par l’intermédiaire de sorties assez singulières. On peut citer les field recordings enregistrés en Antarctique de Lawrence English et Werner Dafeldecker sur le saisissant Shadow of the Monolith, ou très récemment une bande originale signée Jacob Kierkegaard pour La Passion de Jeanne d’Arc de Dreyer. Autant de noms et de thèmes qui attirent rapidement l’œil (et l’oreille). Sorti à quelques semaines d’intervalle de Arc, le dernier né est la première sortie physique de Michalis Moschoutis, guitariste grec et surtout tenancier du label ici présent.
Nylon n’est pas un album évident, c’est peu de le dire. Voulant faire ressortir les sons habituellement indésirables d’une guitare (bruits de cordes qui lâchent, crissements, etc..), les 8 morceaux improvisés de l’album sont denses, dissonants, physiques, et requièrent une attention particulière pour passer outre les premières impressions.
Imaginez ainsi quelques secondes qu’une personne mal avisée prenait un malin plaisir à vous gratter les tendons avec un pied de biche pour y jouer des arpèges. À vous scier les cordes vocales pour en extraire la quintessence de leurs vibrations. Et à ne perdre aucune fréquence si elles venaient à céder. Viscéral, c’est bien le terme et l'impression qui se dégage des premières écoutes. Assiégée jusque dans ses moindres nœuds, les fibres disséquées par le médiateur-scalpel, la guitare de Michalis Moschoutis ploie sous les attaques incessantes et intrusives de son chirurgien.
Pourtant, dans ce chaos de cordes hirsutes, certains motifs se frayent un passage, tentent de résister à l’agresseur avant d’être inévitablement emportés par ce raz-de-marée. Comme si, l’espace d’une fraction de seconde, vous dégagiez une image visuellement captivante au sein d’une volée de flèches dirigées vers vous. Une certaine beauté éphémère et ambivalente, qui imprègne le disque et rend l’expérience hypnotique.
Quelques titres joués à un ou plusieurs archets « allègent » également le propos en dépit de leur caractère oppressant (There Is Only Us et With a Strong Sense of Purposelessness). Tel du papier de verre tachant de polir nos plaies avec une patience maladive, ils s’évertuent à maintenir une pression constante dans leur effort et à explorer des fréquences inconfortables, malgré les plaintes abyssales des cordes.
Nylon est un album éprouvant, à ne pas mettre entre n'importe quelles oreilles — évitez à ce titre les écoutes matinales. Enregistré avec une précision d’orfèvre, c'est surtout un objet fascinant, d'une violence exutoire qu’il serait bien vain de vouloir museler.
http://www.swqw.fr/chroniques/experimental-modern-classical/michalis-moschoutis-nylon.html
Créée
le 14 déc. 2015
Critique lue 134 fois
Du même critique
Violoncelliste canadienne de renom, ces dernières années ont vu Julia Kent multiplier les collaborations. Au sein notamment d'Antony & the Johnsons, Rasputina et Parallel 41, ou plus récemment,...
le 28 oct. 2015
5 j'aime
C'est en visionnant l'adaptation ciné du livre de Pascal Quignard que la française Cécile Schott, alors âgée de 15 ans, tombe d’admiration pour la viole de gambe ; un instrument qui se trouvera par...
le 10 sept. 2015
4 j'aime
2
Le label berlinois PAN continue sans relâche de creuser son sillon dans des territoires toujours plus expérimentaux. Un sillon que son boss, Bill Kouligas, trace dans la cire, avec toujours, une...
le 9 sept. 2015
4 j'aime