Un peu plus de six mois après son premier album, Tank publie Power Of The Hunter en octobre 1982 en espérant capitaliser sur la bonne réception du précédent. Malheureusement, au lieu de reprendre la même recette, le trio fait appel à Nigel Gray pour le produire. Si cet homme a fait le son de The Police ou de Siouxsie And The Banshees, il affadit et police (sic) le son de Tank. Ce constat est étonnant lorsqu’on sait qu’il vient d’offrir un énorme son à Girlschool pour l’album Screaming Blue Murder.
Il suffit d’écouter les premières mesures de « Walking Barefoot Over Glass » pour se rendre compte que le groupe déjanté de Filth Hounds Of Hades a disparu sous des oripeaux rock. La démesure n’est plus de mise, pas plus que la fraîcheur punk. Le son des guitares est plat, pas suffisamment distordu, et sonne comme de la pop. « Pure Hatred » se traîne alors qu’il aurait dû nous sauter au visage. « Biting And Scratching » qui est un bon titre boogie blues à la Aerosmith, avec son riff enjoué et ses paroles déclamées, finit par s’enliser. Pire, « Some Came Running » paraît anodin et sonne comme du remplissage. Le premier mauvais morceau de Tank, à croire que ce disque paraît trop tôt.
Ce qui est certain, c’est que Nigel Gray n’est pas parvenu à capter la folie du trio qui, sur l’instrumental « T.A.N.K. » essaie pourtant de réinventer le speed metal. Mais tout cela sonne si propre, si léché, si édulcoré, qu’il est difficile de reconnaître ceux qui ont créé « Shellshock ». Heureusement, l’espoir revient avec « Used Leather (Hanging Loose) », un mid-tempo qui renoue avec les titres du premier opus. Le refrain, destiné à être repris en chœur, claque comme un mélange de Kiss et de Motörhead. La reprise des Osmond Brothers, « Crazy Horses », entretient cette flamme en parvenant à conserver la folie de ce titre tout en accélérant le tempo.
S’inscrivant dans la lignée de cette reprise, à tel point qu’on pourrait croire ces chansons sœurs, « Set Your Back On Fire » propose un beau mélange boogie metal avec une touche presque funk dans le riff pour une des belles réussites de cet album. Arrive enfin « Red Skull Rock », le titre furieux punk-boogie que l’on attendait avec impatience. Pourtant, on ne peut s’empêcher de se dire que le son n’est pas suffisamment épais. Les arrangements, plus soignés que sur le disque précédent, ne parviennent pas à faire oublier ce manque de puissance indéniable dû à la production. Dommage, parce que « Red Skull Rock » est une chanson proche de Motörhead capable de retourner les foules.
L’album se clôt sur le morceau éponyme « Power Of The Hunter » qui se développe dans un bordel sonore mal contrôlé, que l’affadissement de la production rend brouillon alors qu’on aurait tout accepté avec un son moins léché. Je sais que c’est paradoxal, mais cela donne l’impression que le groupe n’est pas présent dans la même pièce que nous lorsqu’il joue.
Si le disque n’est pas mauvais, loin de là, il apparaît en fort recul par rapport au premier album. Pour preuve, « Filth Bitch Boogie » la Face B du single « Crazy Horses » aurait pu trouver la place sur cet album alors que ce n’est qu’un bon morceau.